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Les émeutes populaires font reculer le président Toledo

Pérou: des privatisations suspendues et démission du ministre de l'Intérieur

Dans un message télévisé à la nation, le président Toledo affirmait dimanche soir qu'il poursuivrait sa politique de privatisations, mais... © Secretaria de Prensa de la Republica de Peru
LIMA, jeudi 20 juin 2002 (LatinReporters.com) - Pour éviter une crise majeure, le président Alejandro Toledo a suspendu mercredi soir la privatisation de deux sociétés d'électricité après six jours d'émeutes populaires contre cette privatisation, désormais conditionnée à une décision de la justice. La contestation s'était étendue de la ville et du département d'Arequipa à l'ensemble du sud du Pérou.

L'état d'urgence devrait être levé à Arequipa, où le bilan des affrontements des habitants avec la police et l'armée est d'un mort, plus de 150 blessés et au moins 50 arrestations. Provoquant la démission du ministre de l'Intérieur, le recul du chef de l'Etat est vivement critiqué par le patronat.

Au travers d'une "Lettre ouverte au peuple d'Arequipa", lue par son porte-parole, le président Toledo s'est excusé de n'avoir pas expliqué clairement les objectifs de privatisations destinées, selon lui, à financer des investissements sociaux.

Pendant la campagne électorale qui avait débouché le 3 juin 2001 sur son élection à la présidence, Alejandro Toledo avait promis par écrit de ne pas privatiser les sociétés Egasa et Egesur, qui alimentent en électricité Arequipa et la majorité du sud péruvien. Or, la vente de ces deux sociétés au groupe belge Tractebel, filiale de la multinationale française Suez-Lyonnaise des Eaux, fut décidée vendredi dernier pour 167 millions de dollars.

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Des émeutes éclatèrent aussitôt à Arequipa, où l'état d'urgence et le maintien de l'ordre par l'armée étaient décrétés dimanche par le gouvernement de Lima pour une durée de 30 jours. Soutenues par les autorités régionales, les manifestations s'étendaient rapidement aux départements voisins de Cuzco, Moquegua, Tacna et Puno. La tourmente sociale bloquait de nombreux touristes sur l'axe Arequipa - Cuzco (capitale des Incas) - Puno (lac Titicaca) - La Paz (Bolivie). Les adversaires de la privatisation sont persuadés qu'elle renchérira l'électricité et accroîtra le chômage.

"Je n'imaginais pas qu'en arrivant au pouvoir je trouverais un pays en ruines avec de graves problèmes financiers" explique Alejandro Toledo dans sa lettre ouverte pour justifier son revirement à propos d'Egasa et d'Egesur.

Peu après la lecture de cette lettre, la commission de conciliation désignée par le gouvernement et les autorités d'Arequipa annonçaient leur accord mettant fin à la convulsion sociale. Un document élaboré par les deux parties suspend la privatisation des sociétés d´électricité dans l'attente que la justice se prononce sur les recours déposés contre cette privatisation. Tractebel a accepté cette suspension conditionnée.

Dans le même document, le gouvernement a dû s'engager à lever l'état de siège dans les 48 heures et promettre que les ministres de la Justice et de l'Intérieur s'excuseraient pour avoir offensé verbalement des élus de la ville et du département d'Arequipa.

Quelques heures plus tôt, pour éviter que la conjonction de contestations diverses ne crée une situation incontrôlable, le gouvernement avait désamorcé une grève des transporteurs routiers de passagers en lâchant du lest sur l'exigence d'une assurance obligatoire.

Mais l'apaisement social au prix de concessions a eu pour conséquence immédiate la démission "irrévocable" présentée à Alejandro Toledo par son ministre de l'Intérieur, Fernando Rospigliosi, opposé à la suspension des privatisations. Dans sa lettre de démission adressée au chef de l'Etat, le ministre écrit: "Comme tu le sais, je ne suis pas d'accord avec la réponse donnée aux événements des derniers jours. Je te l'ai fait savoir au moment opportun, à toi et au Conseil des ministres".

Fernando Rospigliosi a démissionné sans présenter la moindre excuse aux Arequipiens. Par contre, son collègue à la Justice, Fernando Oliveira, a prononcé les paroles d'humilité et de regret souhaitées.

On s'interroge maintenant sur la cohésion du gouvernement, car la privatisation d'Egasa et d'Egesur est fermement souhaitée par le ministre de l'Energie et des Mines, Jaime Quijandria, et par le titulaire de l'Economie et des Finances, Pablo Kuczynski.

Quant au patronat, il critique durement la suspension des privatisations. "Ce précédent a légitimé l'usage de la force" estime Juan Mulder, président de la Société nationale de commerce extérieur. En outre, selon lui, "un investisseur qui ferait une étude coûteuse pour investir des milliards risque désormais de voir tous ses efforts paralysés par un processus judiciaire que pourrait déclencher un caprice régional".

Le président de la Confédération des institutions patronales privées, Julio Favre, exprime pour sa part "une grande préoccupation" pour l'avenir de l'ensemble du processus des privatisations. Alejandro Toledo en attend 800 millions de dollars pour relancer la croissance économique, qui a stagné à 0,2% en 2001.

En attendant, au centre de la ville d'Arequipa, mercredi soir, des milliers de Péruviens faisaient la fête en criant "Victoire!".

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