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Interview du sénateur Rodolfo Nin Novoa, élu vice-président

Unité latino-américaine, Mercosur et non-alignement objectifs extérieurs du premier gouvernement de gauche du pays

Uruguay: Tabaré Vazquez maintiendra l'amnistie des crimes contre les droits humains

Tabaré Vazquez (à gauche) et Rodolfo Nin Novoa, élus président et vice-président de l'Uruguay le 31 octobre - Poto EP-FA
Par Norma Domínguez

MONTEVIDEO, mardi 2 novembre 2004 (LatinReporters.com) - La "Loi de Caducité" amnistiant les auteurs de crimes contre les droits humains commis pendant la dictature militaire (1973-1985) ne sera pas abrogée, affirme le sénateur Rodolfo Nin Novoa, élu vice-président, dimanche, sur le même ticket que le socialiste Tabaré Vazquez. Comme objectifs de politique extérieure, le sénateur souligne l'unité latino-américaine, le renforcement du Mercosur et le non-alignement. Rodolfo Nin Novoa s'exprimait trois jours avant l'élection présidentielle. Déjà considérée alors comme certaine, la victoire de Tabaré Vazquez, qui formera le premier gouvernement de gauche de l'histoire de l'Uruguay, donne une valeur nouvelle à cette interview.


Cheville ouvrière du secteur chrétien-démocrate du Front élargi de Tabaré Vazquez, le sénateur Rodolfo Nin Novoa, 56 ans, était déjà son candidat à la vice-présidence de la République lors des élections présidentielles de 1994 et 1999, perdues par M. Vazquez.

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Rodolfo Nin Novoa fut l'un des promoteurs du référendum d'avril 1989 pour l'abrogation de la Loi de Caducité. La majorité des Uruguayens se prononça néanmoins en faveur de son maintien.

Sur le plan extérieur, l'objectif déclaré d'oeuvrer à l'unité latino-américaine et au renforcement du Mercosur (marché commun formé par l'Uruguay, le Brésil, l'Argentine et le Paraguay) peut être apprécié en fonction de l'émergence du projet de l'Union sud-américaine des nations, inspirée par le Brésil et dont l'acte fondateur pourrait être signé le 9 décembre prochain à Cuzco (Pérou).

-Croyez-vous que le contexte international et en particulier la situation des pays voisins -le Brésil avec [le président] Lula et l'Argentine avec [le président] Kirchner- vous ont favorisés?

Rodolfo Nin Novoa : Je crois que oui, car nous avons appris beaucoup des crises dont ont souffert nos voisins, crises engendrées par cette politique néolibérale et de privatisation, avec un Etat absentéiste, suivie dans la décade des années 1990, surtout en Argentine. La société uruguayenne en a subi aussi l'impact, entre autres parce que nous sommes très liés à l'économie argentine.

Puis, le changement en Argentine et le changement au Brésil, avec des gouvernements différents qui n'adorent pas le marché et qui n'appuient pas les politiques néolibérales à outrance, cela fut aussi comme un miroir dans lequel les Uruguayens se sont regardés. En conséquence, je crois que la conjoncture régionale est favorable, y compris pour approfondir notre intégration dans le Mercosur et continuer à le renforcer et aussi pour rechercher l'unité des pays d'Amérique du Sud et de toute l'Amérique latine.

Nous nous définissons comme "Mercosuriens". Pour nous, le Mercosur est un objectif fondamental. Nous allons appliquer une politique extérieure indépendante, qui sera en plus une politique basée sur des valeurs et des principes tels que la paix, la souveraineté, le non-alignement, la non-intervention, etc. Mais nous allons aussi appliquer une politique d'appui et d'engagement vigoureux en faveur du Mercosur [considéré] comme système d'intégration et de plate-forme d'insertion de la région dans le monde.

-Tabaré Vazquez s'est réuni avec divers dirigeants latino-américains et "latino-américanistes", tels que Lula et Kirchner. Que dire de ces rencontres?

Rodolfo Nin Novoa : Elles ont mis fortement l'accent sur l'intégration, sur la nécessité de distribuer les revenus avec équité et justice, d'avoir une politique commune sur des thèmes fondamentaux tels que, par exemple, la dette, même si les structures de la dette sont différentes dans chaque pays. Mais il est d'une importance primordiale de pouvoir visualiser qu'en Amérique latine et du Sud nous travaillons unis et en profitant des expériences des gouvernements déjà installés. Je crois que sur ces points, nous avons une grande affinité avec les présidents d'Argentine et du Brésil.

Le Mercosur avait démarré sous les mandats de présidents de tendance plus ou moins néolibérale. Mais sa revitalisation, aujourd'hui, par des présidents plus sociaux-démocrates ou de gauche donnera une empreinte beaucoup plus humaine au processus d'intégration. On va faire sentir aux gens que l'intégration dans le Mercosur leur est utile et cela est en définitive le plus important.

-Sous le gouvernement du président [sortant Jorge] Batlle, l'Uruguay a eu avec les Etats-Unis des relations excellentes qui provoquèrent diverses critiques. Les relations avec les Etats-Unis se modifieront-elles sous un gouvernement du Front élargi? Kerry ou Bush soulèvent-ils une expectative particulière?

Rodolfo Nin Novoa : Les gouvernements démocrates [américains] ont eu plus de bienveillance à l'égard de l'Amérique latine, surtout en matière de droits de l'homme. Quoique le problème des droits humains soit en voie d'être surmonté -de nombreuses questions sont encore en suspens, comme la Loi de Caducité en Uruguay, qui a jeté un voile d'oubli et d'amnistie sur ceux qui ont violé les droits de l'homme- il faut encore éclaircir certains aspects, car la loi d'amnistie elle-même ordonne au pouvoir exécutif de faire la lumière sur le sort ou la fin subie par les détenus disparus.

Quoiqu'il en soit, nous voulons stimuler le Mercosur sans dédaigner aucun des marchés existant dans le monde et en essayant de pénétrer les principaux marchés à fort pouvoir d'achat. Les Etats-Unis sont évidemment l'un d'eux et il y aura un processus de négociation permanente sur chaque dossier, avec de notre part un esprit ouvert et surtout une défense des intérêts nationaux. Et si nous pouvons le faire conjointement avec le Mercosur, tant mieux, Je crois que nous y parviendrons.

-Vous venez de parler des droits de l'homme. Pensez-vous, comme l'a fait l'Argentine, réviser les lois d'amnistie?

Rodolfo Nin Novoa : Non. En aucune façon. La différence entre l'Uruguay et l'Argentine est que dans notre pays la Loi de Caducité a été plébiscitée. Le peuple s'est prononcé pour son maintien. Et une décision prise ainsi souverainement -car en Uruguay des mécanismes de démocratie directe permettent aux citoyens de recourir contre des lois- ne peut pas être remplacée par une majorité circonstancielle de législateurs. Nous ne pensons donc pas réviser la Loi de caducité, car le peuple l'a avalisée. Par contre, nous devons -et nous nous y engageons- appliquer complètement cette loi, dont l'article 4 donne mandat au pouvoir exécutif d'enquêter sur le sort des détenus disparus.

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