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Vers une "redollarisation" de l'économie à sept semaines de l'élection présidentielle?

Argentine: la Cour suprême annule la "pesification" de comptes en dollars

Pour atteinte à la propriété, elle déclare inconstitutionnelle la conversion forcée de dollars en pesos

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BUENOS AIRES, jeudi 6 mars 2003 (latinreporters.com) - La Cour suprême d'Argentine a déclaré inconstitutionnelle, pour atteinte au droit de propriété, la "pesification" forcée d'avoirs à terme en dollars, transformés par décret gouvernemental en pesos en janvier 2002. La sentence, rendue mercredi, ne fait droit qu'à la demande d'un seul plaignant, la province de San Luis. Mais la jurisprudence ainsi créée pourrait donner raison aussi à plus de 100.000 épargnants qui ont saisi la justice contre la "pesification" de leurs dollars. Déjà très fragilisé, le système financier argentin affronte ainsi une nouvelle menace à l'approche de l'élection présidentielle du 27 avril.

A sept semaines du scrutin présidentiel, la sentence de la Cour suprême confirme que les problèmes financiers de l'Argentine, qui n'honore plus sa dette extérieure depuis décembre 2001, seront le principal souci du successeur du président péroniste Eduardo Duhalde.

Le dossier d'une éventuelle "redollarisation" globale de l'économie pourrait être ouvert par le prochain chef de l'Etat, particulièrement en cas de victoire électorale de son principal défenseur, l'ex-président Carlos Menem (1989-1999). Il brigue à nouveau la charge suprême et il devrait désormais, au cours de sa campagne, se prévaloir de la décision de la Cour. Celle-ci, contrôlée par des alliés de Menem, a rendu sa sentence à un moment qui, politiquement, n'est pas neutre.

La plus haute juridiction argentine a donné raison à l'exécutif de la province de San Luis, qui réclamait à la Banque Nation (Banco Nacion, propriété de l'Etat) la restitution en monnaie d'origine d'un dépôt à terme de 247 millions de dollars "pesifié" en janvier 2002. A défaut d'être restitué en dollars, ce dépôt pourra l'être en pesos, mais au taux de change libre actuel -3,21 pesos pour un dollar mercredi- alors que la "pesification" par décret s'était faite à un taux fictif et désavantageux fixé par le gouvernement à 1,4 peso pour chaque dollar.

Le verdict ne concerne que la province de San Luis, mais les cris de joie et les danses de centaines d'épargnants réunis mercredi devant la Cour suprême, au centre de Buenos Aires, reflètent l'espoir que la jurisprudence permettra bientôt la "redollarisation" ou la revalorisation au taux de change libre de quelque 100.000 comptes à terme "pesifiés".

Selon l'influent quotidien Clarin, les dépôts bancaires "pesifiés" s'élèvent aujourd'hui en Argentine à 12,265 milliards de pesos, équivalant à la conversion forcée de 8,760 milliards de dollars au taux de 1,4 peso par dollar. Si on leur appliquait la sentence de la Cour suprême en faveur de la province de San Luis, ces dépôts devraient soit être à nouveau libellés en dollars soit être revalorisés par application du taux de change libre de 3,21 pesos pour un dollar. Les dépôts passeraient alors de 12,265 milliards de pesos à 28 milliards de pesos, soit une plus-value de 15,7 milliards de pesos.

Pour les banques, il serait difficile de restituer des dollars qu'elles n'ont plus en quantité suffisante ou de supporter une charge additionnelle de 15,7 milliards de pesos  La plupart des observateurs estiment que ce coût d'une éventuelle application généralisée de la sentence de la Cour suprême serait en définitive supporté par l'Etat.

Le scénario catastrophe sera sans doute évité. En effet, la province de San Luis, par la voix de son gouverneur Alicia Lemme, dit accepter, dans le délai de 60 jours signifié par la Cour suprême, la récupération de son avoir soit en pesos revalorisés soit en bons d'Etat à court terme pour une somme équivalente. La solution des bons risquerait, le cas échéant, de se généraliser. C'est-à-dire que les épargnants à qui la justice rendrait théoriquement leurs dollars pourraient ne recevoir que des titres publics menacés, comme la plupart des titres argentins, d'une rapide dévaluation.

Le ministre de l'Economie, Robert Lavagna, estime que la décision de la Cour "ne redollarise pas l'économie argentine" et n'altère pas le fonctionnement du système financier. Le président de la Cour suprême, Julio Nazareno, lui donne partiellement raison en affirmant aux nombreux Argentins endettés qu'ils ne doivent pas s'inquiéter, car leurs dettes resteront "pesifiées".

Mais les créanciers ne seront-ils pas tentés, au nom de l'égalité de traitement avec la province de San Luis, de réclamer la "redollarisation" de leurs actifs, notamment les prêts hypothécaires?

"La sentence se déversera sur le futur président" écrit Clarin. Le grand journal de Buenos Aires y voit "un cadeau non désiré pour la nouvelle administration, un avant-goût de l'héritage chargé qu'elle devra gérer à partir du 25 mai" (date de la passation des pouvoirs entre le président Eduardo Duhalde et son successeur).

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