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Au moins 50 morts - Démission de ministres - La Paz paralysée

Bolivie-guerre du gaz: malgré les tueries, les Etats-Unis appuient le président Sanchez de Lozada

La mise en garde de Washington à l'opposition bolivienne internationalise la crise

Le député et leader indien Evo Morales à la tête d'un barrage routier
Photo archives Jeremy Bigwood
LA PAZ / WASHINGTON, mardi 14 octobre 2003 (LatinReporters.com) - La crise bolivienne s'internationalise. En offrant lundi au président Gonzalo Sanchez de Lozada un soutien assorti d'un avertissement à l'opposition, Washington est en effet devenue partie prenante dans la "guerre du gaz" qui ensanglante depuis un mois la Bolivie.

L'armée et la police continuent à réprimer durement les manifestations contre le projet d'exportation, via le Chili, de gaz naturel bolivien aux Etats-Unis et au Mexique. Grèves et émeutes paralysent la Paz et d'autres villes. Les organisations humanitaires dénombrent au moins 50 morts et près de 200 blessés. La démission de quatre ministres isole davantage le président Sanchez de Lozada, qui semble ne plus pouvoir compter que sur Washington et l'armée.

"Le peuple américain et son gouvernement appuient le président de la Bolivie démocratiquement élu, Gonzalo Sanchez de Lozada, et ses efforts pour construire un futur plus prospère et juste pour tous les Boliviens" a déclaré lundi à Washington le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher.

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Il ponctua aussitôt ce soutien d'un ferme avertissement: "La communauté internationale et les Etats-Unis ne toléreront aucune interruption de l'ordre constitutionnel et n'appuieront aucun régime que feraient surgir des moyens antidémocratiques".

Selon le porte-parole américain, "la communauté internationale comprend et appuie les intérêts légitimes du peuple bolivien et le prie de les exprimer et de les promouvoir uniquement par des moyens démocratiques et pacifiques". Washington rejette ainsi implicitement sur l'opposition ethnique et syndicale bolivienne la responsabilité de la crise.

L'internationalisation de la crise bolivienne passe aussi par l'Organisation des Etats américains (OEA), que
Condoleezza Rice, conseillère à la Sécurité nationale du président George W. Bush, a invité à "donner son appui total à l'ordre constitutionnel en Bolivie".

Le président Sanchez de Lozada veut "mettre en déroute les séditieux"

Auparavant, s'adressant à la presse dans sa résidence présidentielle de La Paz à l'issue d'une réunion avec son cabinet et les chefs de l'armée, Gonzalo Sanchez de Lozada avait affirmé qu'il ne démissionnerait pas. Promettant de "rétablir l'ordre" et de "mettre en déroute les séditieux", il se présentait comme la cible d'une tentative de putsch "financée de l'extérieur" et menée par la gauche autochtone, conduite par les leaders indiens Evo Morales et Felipe Quispe, figures de proue de la "guerre du gaz".

Ces deux ex-candidats à la présidence (la somme de leurs voix à la présidentielle de juin 2002 fut de 27%) sont connus pour leur antiaméricanisme et leur hostilité à la globalisation. La "guerre du gaz" mobilise toutefois aussi les principaux syndicats et de nombreux collectifs locaux de La Paz, El Alto, Cochabamba, Oruro, etc. Leur mobilisation prétend mettre les réserves de gaz naturel bolivien -les plus importantes d'Amérique du Sud après celles du Venezuela- au service prioritaire des Boliviens. Une éventuelle exportation via le Chili -le Pérou est aussi envisagé- est en outre contestée sur une base nationaliste, le Chili ayant conquis au 19 siècle, lors de la guerre du Pacifique, la façade maritime de la Bolivie, privée depuis d'accès à la mer.

Les manifestants réclament également la démission du président bolivien, qu'ils qualifient de "vendeur de la patrie". La "guerre du gaz" rallie en outre les adversaires de la globalisation et en particulier du projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA ou, en espagnol, ALCA) que Washington voudrait instaurer, à partir de 2005, de l'Alaska à la Terre de Feu.

"A quoi bon un dialogue parmi les morts?"

Dans l'espoir de faire baisser la tension, le président Sanchez de Lozada a décidé, par décret, de ne pas ouvrir de nouveaux marchés au gaz bolivien (déjà exporté vers le Brésil), le temps d'un "dialogue entre Boliviens et organisations de la société civile, de consultations et de débats", qui devront se conclure avant le 31 décembre prochain.

"A quoi bon un dialogue parmi les morts?"  réplique
Jaime Solares, secrétaire exécutif de la Centrale ouvrière bolivienne (COB). Cette centrale syndicale, la première du pays, multiplie depuis plusieurs semaines, contre l'exportation du gaz,  les appels à la grève générale, suivie de manières diverses selon les régions.

"Après le massacre du peuple", le président "n'a plus aucune autorité morale" pour participer à un dialogue prétend l'Indien aymara Felipe Quispe, dirigeant de la Confédération syndicale des travailleurs agricoles.

Quant à Evo Morales, porte-parole de 30.000 familles de cocaleros (cultivateurs de coca) et député du Mouvement vers le socialisme (MAS, premier parti de l'opposition), il rejette aussi le dialogue proposé par le chef de l'Etat, car il n'est que "consultatif" et ne prévoit pas la convocation d'un référendum sur la question du gaz. "Les mobilisations et le blocage de routes se poursuivront jusqu'à la démission de Gonzalo Sanchez de Lozada" ajoute le leader autochtone.

Evo Morales croit que la démission du chef de l'Etat et son remplacement par le vice-président Carlos Mesa seraient le point de départ d'une solution constitutionnelle à la crise.

Cette même "sortie constitutionnelle", qui ôterait tout prétexte à un interventionnisme américain sous couvert de l'OEA, est soutenue par Johnny Antezana, porte-parole de Nouvelle force républicaine (NFR), parti populiste qui vient de retirer ses trois ministres de la coalition gouvernementale dirigée par le président libéral Sanchez de Lozada. Un quatrième ministre, social-démocrate, a également rendu son portefeuille. Ces démissions répondent aux tueries perpétrées par les forces de l'ordre contre les manifestants de la "guerre du gaz".

Le vice-président lui-même, Carlos Mesa, a retiré publiquement son soutien au chef de l'Etat, mais sans démissionner. Egalement président du Congrès, Carlos Mesa voudrait y débattre de la crise lors d'une session parlementaire extraordinaire.

En attendant, le cycle manifestations-répression ne se ralentit pas. "On nous tue au nom de la démocratie. Très bien, qu'ils nous poursuivent, que vienne la mort. Nous sommes nés pour cela, nous n'avons pas peur et nous continuerons" s'exclame le leader indien Felipe Quispe.

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