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Les candidats au scrutin du 30 juin proposent d'accroître le rôle de l'Etat dans l'économie

Bolivie: du gaz (naturel) dans l'élection présidentielle

Récupérer une fenêtre maritime sur le Pacifique grâce au gaz?

L'ex-capitaine Manfred Reyes Villa est favori

Manfred Reyes Villa ©NFR
L'ex-capitaine de l'armée Manfred Reyes Villa (29% des intentions de vote), suivi des ex-présidents Gonzalo Sanchez de Losada (18%) et Jaime Paz Zamora (15%), occupe la tête des sondages. Si aucun candidat ne franchit la barre des 50%, c'est le Congrès qui choisira le nouveau président parmi les deux candidats ayant recueilli le plus de suffrages. Les 130 députés et 27 sénateurs du Congrès bolivien seront également élus le 30 juin.

La popularité soudaine de Manfred Reyes Villa, 47 ans, a surpris les observateurs. Elle s'expliquerait par son discours nationaliste. L'Union nationale des prisonniers politiques et exilés de Bolivie l'accuse d'avoir pratiqué la torture sous la dictature militaire de Luis Garcia Meza (1980-1981).

Des adversaires politiques prétendent en outre qu'il s'est enrichi grâce à des pratiques frauduleuses lorsqu'il était maire, de 1991 à 2000, de Cochabamba, la troisième ville de Bolivie. Manfred Reyes Villa dément, attribuant au succès d'une entreprise de construction qu'il avait fondée une fortune qui, selon lui, ne dépasse pas deux millions de dollars.

Manfred Reyes Villa, qui fut allié de Hugo Banzer, fonda au milieu des années 1990 le parti Nouvelle force républicaine (NFR), au nom duquel il brigue la présidence. Il se définit comme un "patriote" du "centre" recherchant "l'alliance des classes" et rejette toute comparaison avec le président vénézuélien Hugo Chavez.

LA PAZ, mercredi 26 juin 2002 (latinreporters.com) - Les réserves boliviennes de gaz naturel, les plus vastes d'Amérique du Sud après celles du Venezuela, sont le pivot de la campagne des élections présidentielle et législatives du 30 juin.

Les investissements pour exporter massivement le gaz ne seraient rentables qu'à partir de 2007, soit au terme du quinquennat du prochain président. Aussi tous les candidats prônent-ils l'accroissement du rôle de l'Etat dans l'économie et en particulier dans l'exploitation des hydrocarbures afin que la Bolivie, pays le plus pauvre d'Amérique du Sud, bénéficie plus tôt et davantage du pactole gazier. Grâce au gaz, la Bolivie rêve aussi de récupérer une fenêtre maritime sur le Pacifique.

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L'élection de dimanche est la première de l'après-Banzer. Le général Hugo Banzer, unique dictateur d'Amérique latine des années 1970 revenu au pouvoir par les urnes, est décédé d'un cancer le 5 mai dernier. Son vice-président Jorge Quiroga, président intérimaire depuis juillet 2001, ne peut pas, constitutionnellement, solliciter dimanche les suffrages des électeurs. Il devra attendre l'élection présidentielle suivante, en 2007.

Accentuée par trois ans de crise économique, la pauvreté frappe 60% des 8,3 millions de Boliviens, dont 65% d'Indiens. La combinaison de la crise et de la découverte d'importantes réserves de gaz naturel, 1.500 milliards de mètres cubes jusqu'à présent, a conditionné le message des candidats à la présidence. Tous proclament la nécessité de renforcer l'influence de l'Etat pour accroître les investissements publics dans l'éducation, la santé, l'habitat et les routes.

Dans la perspective du retour supposé à un Etat promoteur et planificateur de l'économie, les 4,2 millions d'électeurs boliviens se voient promettre notamment la création de banques de développement et l'administration directe, actuellement aux mains d'administrateurs de fonds de pension, de la participation de 50% que l'Etat conserve, après une privatisation partielle, dans les grandes entreprises d'hydrocarbures, de chemins de fer, d'aviation, de télécommunications et d'électricité.  Incapable de vaincre la misère, le modèle néo-libéral suivi par la Bolivie depuis 1985 est donc sur la sellette, du moins dans les discours.

Favori des sondages grâce peut-être à son discours nationaliste, l'ex-capitaine de l'armée Manfred Reyes Villa affirme que le gaz est "le pain de demain". Au nom d'une "présence active de l'Etat dans l'économie", il propose la révision des contrats de privatisation partielle et de la Loi des hydrocarbures. Inquiètes, les multinationales du secteur indiquent que cette loi a permis d'investir 2,5 milliards de dollars en Bolivie depuis 1997 et que sa révision mettrait en péril des plans de commercialisation du gaz naturel. Celui-ci est déjà vendu au Brésil depuis 1999.

Fenêtre sur le Pacifique

Manfred Reyes Villa utilise en outre le gaz naturel pour réclamer une enclave bolivienne sur le Pacifique. Il propose en effet de choisir un port chilien plutôt que péruvien pour exporter prochainement le gaz bolivien vers l'Amérique du Nord, mais à condition que le Chili offre une fenêtre maritime à la Bolivie. Lors de la guerre du Pacifique (1879-1883), la Bolivie avait dû céder au Chili sa façade océanique et plus de 100.000 km2. Depuis, les autorités de La Paz ne cessent de revendiquer la restitution d'une frange littorale. Malgré l'apaisement de la tension séculaire entre les deux pays, leurs relations diplomatiques sont suspendues depuis 1961, hormis une brève parenthèse de 1975 à 1978.

Prévue à partir de 2006, l'exportation de gaz naturel bolivien liquéfié vers les Etats-Unis et le Mexique suppose un investissement de six milliards de dollars, dont la moitié en aménagements portuaires. Le Pérou et le Chili tentent chacun d'attirer cet investissement, l'un au profit de son sud marginalisé, l'autre pour développer son nord sous-équipé.

Si le Chili n'acceptait pas de rendre à la Bolivie "une enclave maritime souveraine", Manfred Reyes Villa défendrait le choix d'un port péruvien. Le président intérimaire Jorge Quiroga pourrait trancher entre le Pérou et le Chili avant le 6 août, date du transfert des pouvoirs au président qui sera élu le 30 juin, mais Manfred Reyes Villa estime que ce choix capital devrait être assumé par le vainqueur de l'élection présidentielle.

"Les bénéfices du gaz pour les Boliviens" est le slogan vedette d'un autre candidat à la magistrature suprême, l'ex-président social-démocrate Jaime Paz Zamora. Il promet que l'Etat sera "gestionnaire du développement économique". Et même un partisan de l'économie libérale tel que Gonzalo Sanchez de Lozada, lui aussi ex-président et candidat, propose d'accroître le rôle régulateur de l'Etat.

Les plus radicaux parmi les 11 aspirants à la présidence sont les autochtones Evo Morales et Felipe Quispe Huanca. Premiers candidats présidentiels d'origine indienne de l'histoire de la Bolivie, ils prônent un retour sans nuance à une économie étatisée. Ils rendent le modèle libéral responsable de la pauvreté et de l'exclusion qui frappent surtout la population indienne.

En janvier dernier, Evo Morales avait perdu son siège de député, exclu par la Chambre pour avoir soutenu des manifestations violentes et meurtrières de paysans indiens opposés à l'éradication totale de la culture de la coca, dont on extrait la cocaïne. Soutenue par Washington, la politique de "coca zéro" de feu le président Hugo Banzer a réduit de 40.000 hectares, soit des deux tiers, la superficie des plantations de coca en Bolivie. Mais les programmes de substitution se font attendre ou sont peu rentables. En outre, l'effondrement du narcotrafic a aggravé la crise économique bolivienne.

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