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Un ex-ouvrier métallurgiste élu président dès le 1er tour?

Brésil - élections : Lula pourrait éloigner du néolibéralisme la 11e économie mondiale

Affiche électorale de Lula: "Je veux un Brésil décent". A 56 ans, l'ex-syndicaliste révolutionnaire a abandonné le blouson de cuir pour le complet-veston.
RIO DE JANEIRO, vendredi 4 octobre 2002 (latinreporters.com) - Modèle d'ouverture économique et de libre marché depuis le début des années 1990, le Brésil, 1ère puissance sud-américaine et onzième économie mondiale, pourrait tourner le dos au néolibéralisme après le scrutin présidentiel et législatif du 6 octobre.

Politiciens, banquiers et chefs d'entreprise admettent que le socialiste et ex-ouvrier métallurgiste Luiz Inacio Lula da Silva (appelé communément Lula) sera le prochain président du Brésil. Depuis plusieurs mois, les sondages lui attribuent plus de 40% des intentions de vote et les dernières évaluations n'écartent pas sa victoire à la majorité absolue dès le 1er tour.

La perspective du triomphe de Lula et du Parti des Travailleurs (PT, gauche) dont il fut l'un des fondateurs a provoqué la fuite des capitaux, une dépréciation de 38% du real brésilien par rapport au dollar depuis le début de l'année et plusieurs chutes historiques de la bourse de Sao Paulo. Les agences internationales de notation financière attribuent aujourd'hui au Brésil la troisième place sur la liste des pays émergents les plus risqués pour les investisseurs. Seuls l'Argentine et le Nigeria sont plus mal cotés.

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Dossier Brésil

Conscient de l'enjeu et des risques, Lula, vaincu lors des trois élections présidentielles précédentes, a renié son image de syndicaliste révolutionnaire et offert pendant la campagne un discours souvent plus social-démocrate que socialiste. Il a même choisi comme vice-président José Alencar, un industriel qui emploie 16.000 salariés.

Les réticences de Lula à l'égard de la  Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) voulue par les Etats-Unis et la priorité qu'il octroie au Mercosur, le marché commun sud-américain dominé par le Brésil, a facilité le ralliement à l'ancien syndicaliste d'une partie du patronat national.

Néanmoins, le favori des patrons et surtout des milieux financiers internationaux demeure José Serra. Cet ex-ministre de la Santé, candidat de la continuité et dauphin du président sortant, le social-démocrate Fernando Henrique Cardoso, ne séduit pas, selon les sondages, plus de 21% des électeurs. Son ambition immédiate est d'empêcher Lula d'être élu à la présidence dès dimanche afin de pouvoir l'affronter en combat singulier au second tour, le 27 octobre.

L'un des quelque 500 chefs d'entreprise qui soutiennent ouvertement Lula est Eugenio Staub, président de Gradiente, société leader du secteur de l'électrodomestique avec un chiffre d'affaires de 372 millions de dollars l'an dernier. Selon lui, "Lula est l'homme capable d'unir les patrons, les travailleurs et la classe moyenne. C'est l'heure d'unir le pays et de porter à la présidence un candidat ayant une vision stratégique".

Craignant la concurrence nord-américaine qu'ils subiraient durement si une zone de libre-échange continentale se concrétisait, certains industriels brésiliens apprécient particulièrement le nationalisme de la "vision stratégique" de Lula. L'ex-syndicaliste, qui a abandonné la veste de cuir pour le complet-veston,  poussait ce nationalisme jusqu'à des limites insoupçonnées le 13 septembre dernier à l'Ecole supérieure de guerre de l'armée.

Ovationné par 400 officiers, dont cinq ex-ministres de la dictature militaire (1964-1985) qui l'envoya en prison lors des années 1970, Lula se présenta comme un "partisan des Etats forts et socialement justes", précisant qu'il s'efforcera de faire en sorte que "le Brésil soit à nouveau respecté pour son pouvoir économique, technologique et militaire".

Le probable vainqueur de l'élection présidentielle critiqua devant les militaires ravis l'adhésion du Brésil au Traité de non prolifération des armes nucléaires, "qui n'aurait de sens que si tous les pays possédant des armes nucléaires les détruisaient, mais qui dans l'état actuel n'est qu'un obstacle au développement militaire des pays plus pauvres".

Avec 170 millions d'habitants dont 115 millions d'électeurs, le Brésil est la 5e démocratie la plus peuplée de la planète. Près de la moitié de son revenu global, 47%, revient à 10% de la population, alors que 43 millions de pauvres ne mangent pas à leur faim.

Dans ce panorama de contrastes explosifs, Luiz Inacio Lula da Silva et son Parti des travailleurs prônent une politique plus sociale, une réactivation de l'industrie locale et la protection de l'agriculture brésilienne contre la concurrence des agricultures subventionnées de l'Union européenne et de l'Amérique du Nord.

Pour la gauche brésilienne et en particulier pour le PT de Lula, l'Etat doit à la fois accroître sa présence dans l'économie et la société et défendre activement l'intérêt national brésilien et sa projection régionale à travers le Mercosur. Ce marché commun sud-américain regroupe le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay. Le Chili et la Bolivie n'en sont que des associés. Le Venezuela du président Hugo Chavez envisage d'y adhérer.

Une telle globalisation régionale est souvent présentée comme la meilleure défense contre un néolibéralisme continental que dominerait Washington au travers de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) que le président George W. Bush souhaite instaurer dès 2005. L'une des caractéristiques de la politique extérieure brésilienne, depuis l'époque de la présidence de Juscelino Kubitschek (1955-1960), est une relative autonomie à l'égard des Etats-Unis. Lula devrait tenter d'accentuer cette tendance.

Pouvant provoquer un effet domino dans une Amérique latine dont plus de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté, l'émergence de la gauche au Brésil coïncide avec la crise économique internationale et le discrédit du libéralisme orthodoxe, illustré par l'échec dramatique en Argentine des remèdes traditionnels du Fonds monétaire international (FMI).

Il n'empêche que celui qui succédera à Brasilia au président social-démocrate Fernando Henrique Cardoso devra maintenir une politique d'austérité peu compatible avec les largesses sociales s'il veut bénéficier du prêt du 30 milliards de dollars promis par le FMI et éviter ainsi au Brésil un moratoire de sa dette de 263 milliards de dollars, près du double de la dette argentine.

Réalités économiques et comptables contre l'immense espoir soulevé par l'avènement du premier président surgi du peuple des déshérités: les conséquences imprévisibles de ce choc conditionneront l'avenir immédiat du Brésil et peut-être d'une grande partie du continent américain.

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