Accueil   |  Politique   |  Economie   |  Multimédia   |  Société   |  Pays+dossiers   | Forum 
Google
 
Web LatinReporters.com
Michelle Bachelet passe de la Santé à la Défense

Chili: une socialiste, fille de prisonnier torturé, nommée ministre de la Défense

C'est la première femme responsable des forces armées d'un pays d'Amérique latine

Michelle Bachelet
© Ministerio de Salud
SANTIAGO DU CHILI, mardi 8 janvier 2002 (latinreporters.com) - Ministre de la Santé jusqu'à lundi soir, la socialiste Michelle Bachelet, fille d'un prisonnier politique torturé à mort sous la dictature militaire du général Pinochet, est désormais ministre de la Défense. C'est la première fois au Chili et en Amérique latine qu'une femme prend en mains l'armée.

Surprise, la hiérarchie militaire n'exprime cependant aucun mécontentement, témoignant ainsi de la consolidation de la démocratie chilienne.

Michelle Bachelet, souriante pédiatre de 50 ans et mère de trois enfants, a été nommée à la Défense par le président Ricardo Lagos, socialiste également. Depuis le coup d'Etat militaire perpétré le 11 septembre 1973 par le général Augusto Pinochet, aucun socialiste chilien n'avait assumé le portefeuille de la Défense.

VOIR AUSSI:

Chili-législatives:
la droite talonne
le centre gauche

Chili: le score de
la droite ultra,
enjeu des
législatives

Le Chili va voter
en ignorant Pinochet
aux législatives
du 16 décembre

Dossier Chili

Son dernier titulaire sous la présidence du socialiste Salvador Allende, tué lors du coup d'Etat, fut Orlando Letelier. Exilé après le coup d'Etat, il périt assassiné par les services secrets de Pinochet, à Washington en 1976.

Le père de la nouvelle femme ministre, le général de la force aérienne Alberto Bachelet, fut emprisonné comme "traître à la patrie" pour sa loyauté envers le président Allende. Il mourut sous la torture.

Michelle Bachelet estime sa nomination à la Défense "historique" non seulement au Chili, mais aussi en Amérique latine. Elle reconnaît devoir relever "un grand défi". La presse lui attribue notamment l'intention de démilitariser la redoutable police des carabiniers, que le président Lagos veut rattacher au Ministère de l'Intérieur.

Il lui reviendra aussi de boucler le dossier d'une coûteuse réorganisation matérielle des forces militaires chiliennes, comprenant la construction de frégates et l'achat de chasseurs-bombardiers. Divers pays de la région, en particulier le Pérou, y voient un risque de déstabilisation de l'équilibre stratégique dans une Amérique du Sud chroniquement en proie aux tensions et conflits frontaliers.

On s'attendait à un remaniement ministériel après la poussée de la droite pinochetiste aux élections législatives chiliennes du 16 décembre dernier. Mais l'octroi du portefeuille de la Défense à une femme membre du comité central du Parti socialiste et, de surcroît, fille d'une victime de la dictature a surpris à la fois les médias et l'armée.

A la une de la presse de Santiago, la photo de Michelle Bachelet éclipsait  mardi les titres sur la crise et la dévaluation en Argentine. L'influent quotidien "El Mercurio" souligne la "satisfaction", inattendue elle aussi, de la hiérarchie militaire et l'explique par le "prestige" associé au curriculum vitae de la ministre.

Le parcours étonnant de cette femme médecin et fille de général comprend en effet des séjours studieux à l'Académie chilienne d'études politiques et stratégiques de l'armée, ainsi qu'au Collège interaméricain de défense de Washington. Cette formation lui permit d'être conseillère au ministère chilien de la Défense, de 1998 à 2000, avant de recevoir le portefeuille de la Santé.

Sept ministères ont changé de mains lors de l'actuel remaniement gouvernemental, qui, sans la nomination de Michelle Bachelet à la Défense, aurait été considéré de simple routine à mi-parcours du mandat présidentiel de Ricardo Lagos.

Isabel Allende, député socialiste et fille de Salvador Allende, voit dans cette nomination "la démonstration d'une nouvelle étape de la démocratie" chilienne. A la Défense, Michelle Bachelet devrait symboliser le désir du président Lagos de réduire le rôle politique que la Constitution héritée de Pinochet confère encore à l'armée.

Mais réviser la Constitution nécessite une majorité parlementaire qualifiée dont ne dispose pas la Concertation pour la démocratie, une coalition de socialistes, de démocrates-chrétiens, de sociaux-démocrates et de radicaux qui soutient le président Lagos. Après les élections législatives du 16 décembre dernier, toute révision constitutionnelle devra nécessairement être négociée avec la droite pinochetiste.


  Accueil   |  Politique   |  Economie   |  Multimédia   |  Société   |  Pays+dossiers  
 

© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
Le texte de cet article peut être reproduit s'il est clairement attribué
à LatinReporters.com avec lien actif sur le mot LatinReporters.com