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Human Rights Watch révèle qu'on les oblige à exécuter des compagnons déserteurs

Colombie: 11.000 enfants et adolescents mineurs combattent avec la guérilla et les paramilitaires

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Human Rights Watch

BOGOTA, samedi 20 septembre 2003 (LatinReporters.com) - Après la République démocratique du Congo (ex-Zaïre) et le Myanmar (ex-Birmanie), la Colombie est le pays qui compte le plus d'enfants combattants. L'organisation internationale de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) chiffre à 11.000 les mineurs des deux sexes enrôlés de gré ou de force dans les groupes armés irréguliers colombiens, à savoir les commandos paramilitaires ou, pour plus de 80% des jeunes concernés, les deux guérillas d'extrême gauche.

L'armée colombienne ne recruterait pas de mineurs. HRW n'utilise donc pas l'expression enfants-soldats. Elle précise que les enfants combattants séquestrent, mutilent et assassinent, y compris, parfois, des compagnons déserteurs.

HRW appelle "enfants" les mineurs de moins de 18 ans. L'organisation présentait jeudi à Bogota un rapport intitulé "Tu apprendras à ne pas pleurer: enfants combattants en Colombie". HRW y affirme que 7.400 de ces enfants sont mobilisés par la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), 1.480  par la guérilla pro-castriste de l'ELN (Armée de libération nationale) et 2.200 par les paramilitaires d'extrême droite, adversaires acharnés des guérilleros.

Les 11.080 mineurs ainsi recensés constituent le quart de tous les combattants des trois forces irrégulières. Mais les deux guérillas regroupent à elles seules 81% de ces enfants ou adolescents mineurs qui manient fusil, grenades, dynamite et mortiers.

HRW évalue le nombre de combattants des FARC à 26.500, le chiffre le plus élevé jamais avancé jusqu'à présent, soit 16.500 guérilleros et 10.000 "miliciens urbains" en civil vivant de façon apparemment normale. Avec ses 7.400 recrues mineures, la guérilla des FARC, la plus puissante, compterait donc 28% de combattants de moins de 18 ans. Ce sont les FARC qui séquestrent depuis le 23 février 2002 la franco-colombienne Ingrid Betancourt, ex-sénatrice et ex-candidate à la présidence.

Crime de guerre

"Envoyer se faire tuer au combat des enfants de moins de 18 ans est condamnable, mais utiliser des enfants combattants de moins de 15 ans est un crime de guerre" affirme José Miguel Vivanco, directeur de la section Amériques de Human Rights Watch. L'organisation humanitaire souligne que "plusieurs milliers" de recrues des groupes armés irréguliers colombiens ont effectivement moins de 15 ans, l'âge de recrutement minimum autorisé par les Conventions de Genève.

"En aucun cas, le gouvernement ne devrait offrir aux guérillas ou aux paramilitaires une amnistie pour cette pratique horrible" estime José Miguel Vivanco. (Considérés officiellement, ainsi que les FARC, comme terroristes par le gouvernement de Bogota, par les Etats-Unis et par l'Union européenne, les paramilitaires sollicitent une amnistie au moins partielle dans le cadre de négociations sur leur démantèlement menées actuellement avec l'administration du président colombien Alvaro Uribe).

Pour élaborer son rapport de 150 pages, HRW a notamment interviewé 112 enfants ex-combattants. Les deux tiers affirment avoir participé à la guerre avant l'âge de 15 ans. Quelques-uns furent même recrutés à 7 ou 8 ans.

Leurs témoignages montrent que tant la guérilla que les paramilitaires exploitent le désespoir des enfants de familles démunies dans les zones rurales secouées par les combats. Des mineurs se sont enrôlés pour se nourrir, pour s'assurer une protection physique, pour échapper à la violence familiale ou pour croire à des promesses d'argent. Certains ont été recrutés de force, sous la menace des armes. A treize ans, des enfants avaient déjà été entraînés à lancer des obus de mortier. "Avant d'avoir 8 ans, je tirais sur des postes (ennemis) avec un AK-47" dit Bernardo, un garçon recruté par les paramilitaires.

D'autres jeunes ex-recrues des paramilitaires racontent que, dans le cadre de leur entraînement, ils devaient assister à la torture de prisonniers, mutilés au couteau ou à la scie mécanique.

Fillettes abusées sexuellement

Plus du quart des enfants interviewés sont des fillettes ou des adolescentes. La plupart d'entre elles ont appartenu à la guérilla des FARC. Elles relatent que leurs supérieurs abusaient sexuellement d'elles. Des fillettes de 12 ans étaient obligées d'utiliser des contraceptifs. L'avortement sanctionnait les grossesses.

HRW rappelle que dans les rangs de la guérilla et des paramilitaires, des enfants tentent, au risque de leur vie, de déserter pour rejoindre leur famille. Des témoignages confirment que la guérilla traduit les déserteurs en "conseil de guerre". On y vote à main levée leur condamnation à mort. Des enfants sont alors parfois désignés pour exécuter un compagnon. "Vous devez le faire, car c'est un ordre" dit Elisabeth, qui a échappé aux FARC. "J'avais voté non au conseil de guerre, précise-t-elle. Le commandant m'a dit que parce que j'avais voté non, c'est moi qui devait tuer (le condamné)".

Plusieurs enfants disent avoir participé à des opérations conjointes de paramilitaires et de l'armée et à des entraînements de paramilitaires organisés par des militaires de l'armée régulière. HRW demande aux Etats-Unis d'en tenir compte avant de débourser les 750 millions de dollars d'aide militaire promises pour cette année à la Colombie.

L'organisation de défense des droits humains prie en outre les Etats-Unis d'exercer leur influence afin que la démobilisation des enfants combattants soit une priorité absolue dans toute négociation future que le gouvernement colombien pourrait ouvrir avec la guérilla et les paramilitaires.

Pour qu'on ne puisse plus fermer les yeux sur ce drame, HRW suggère encore que le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, présente le dossier des enfants colombiens combattants à la réunion du Conseil de sécurité du 23 octobre.

Selon des statistiques officielles, les deux guérillas et les paramilitaires avaient subi 986 désertions au cours des dix premiers mois de 2002 . Quarante-deux pour cent des déserteurs étaient des mineurs, dont 74 de moins de 15 ans.

En décembre 2000,  l'opération "Berlin", lancée par l'armée contre les FARC pour reconquérir les régions du Magdelena Medio et de Catatumbo, avait révélé l'utilisation, par la guérilla, d'enfants aux premiers postes de combat. A la stupeur générale, y compris celle des militaires, la majorité des guérilleros tués, blessés ou capturés furent alors des enfants ou des adolescents mineurs. Vingt d'entre eux périrent. Un quarantaine d'autres, faits prisonniers, suivirent un programme de réinsertion sociale.

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