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Défaite socialiste et nouvelle victoire du nationalisme modéré (CiU), néanmoins en forte baisse

Espagne-élections: la Catalogne arbitrée par la gauche républicaine indépendantiste (ERC)

Leader d'ERC, Josep-Lluis Carod-Rovira veut "sortir de l'Etat espagnol"

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BARCELONE, mardi 18 novembre 2003 (LatinReporters.com) - Grande déception des socialistes. Sondages et projections à la sortie des urnes annonçaient leur victoire aux élections catalanes de dimanche, mais les nationalistes modérés de Convergence et Union (CiU), parti de centre droit du président catalan sortant Jordi Pujol, l'ont emporté pour la septième fois consécutive depuis 1980.

Le revers socialiste pèsera sur les législatives nationales espagnoles de mars 2004. Doublant ses voix et le nombre de ses députés au Parlement régional, le parti indépendantiste Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, Gauche républicaine de Catalogne) de Josep-Lluis Carod-Rovira devient l'arbitre politique quasi incontournable de cette région-clé de l'Espagne.

Comme en 1999, un découpage électoral favorisant le vote rural a permis à CiU de l'emporter non en voix (à peine 30,93%), mais en nombre de députés, 46 contre 42 au Parti des socialistes de Catalogne (PSC) , qui récolte, lui, 31,17% des suffrages. Ces deux partis restent les principaux de la région. Ils n'en perdent pas moins chacun dix sièges au Parlement catalan, qui élira, en décembre, le nouveau président de la Generalitat (nom institutionnel de la Catalogne autonome). La majorité absolue, 68 députés sur un total 135, sera nécessairement le fruit d'une coalition à négocier.

Socialistes bousculés

Le coup est dur pour Pasqual Maragall, ex-maire socialiste de Barcelone et candidat, comme en 1999, du PSC à la présidence de la Generalitat. La gifle est peut-être plus cinglante encore pour José Luis Rodriguez Zapatero, secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et candidat à la présidence du gouvernement espagnol aux législatives nationales de mars.

Un succès socialiste en Catalogne l'aurait remis en selle. L'autorité et la crédibilité de Rodriguez Zapatero ont été bousculées par le récent maintien, aux municipales et à d'autres élections régionales (dont celle emblématique de Madrid), des positions du Parti populaire (PP, conservateur) de José Maria Aznar, le président du gouvernement espagnol. Les sondages, déjà erronés, prédisaient pourtant un recul du PP après la gestion catastrophique de la marée noire du pétrolier Prestige et l'appui inconditionnel de Madrid aux Etats-Unis dans la guerre en Irak.

Quant au recul des nationalistes modérés de CiU, il a l'excuse de l'usure naturelle après quasi un quart de siècle de pouvoir. En outre, à 73 ans , leur leader charismatique, Jordi Pujol, ne se présentait plus. Président de la Generalitat depuis les premières élections régionales du postfranquisme, en 1980, il vient de passer le flambeau. La victoire relative de son dauphin, Artur Mas, témoigne d'une succession sans désastre, quoique payée en sièges.

Les vainqueurs moraux du scrutin de dimanche sont les indépendantistes républicains de l'ERC. Ils multiplient par deux leur score de 1999, bondissant de 8,67 à 16,47% des suffrages et de 12 à 23 députés. Leurs connexions avec le courant altermondialiste expliquent peut-être en partie ce succès. Barcelone, capitale de la Catalogne, fut notamment, en février et mars derniers, la ville qui accueillit les plus gigantesques manifestations parmi celles convoquées dans le monde entier contre la guerre en Irak.

"Nous voulons sortir de l'Etat espagnol. Est-ce clair?" clamait vendredi dernier Josep-Lluis Carod-Rovira dans son meeting de clôture de campagne électorale, au Palais des foires de Gérone. Licencié en philologie catalane, ex-professeur d'université, secrétaire général d'ERC et député régional, Carod-Rovira, sympathique moustachu de 51 ans, était tout aussi explicite lundi, au lendemain de l'ouragan électoral qu'il a fait souffler sur la Catalogne: "Nous pourrions être comme le Luxembourg. Il compte six fois moins d'habitants que la seule ville de Barcelone, mais il gère ses propres affaires et personne n'y trouve rien à redire".

Une autre gauche, celle d'Initiative pour la Catalogne-Les Verts (ICV), mélange de communistes et d'écologistes, fait aussi un saut remarquable de 2,51 à 7,30% et de 3 à 9 députés. Mais là rien d'impressionnant, quand on sait que les communistes catalans formaient en 1980 le troisième parti de la région, avec 18,7% des voix et 25 députés, soit à l'époque le double du score d'ERC.

A noter aussi la bonne tenue, dimanche, dans cette Catalogne difficile pour lui, du Parti populaire (PP) qui gouverne l'Espagne. Il passe de 9,51 à 11,87% des suffrages et de 12 à 15 députés. Le PP confirme ainsi une bonne santé, certes plus visible dans d'autres régions, augurant d'une victoire qui lui ouvrirait un troisième mandat gouvernemental consécutif aux législatives nationales de mars.

La Catalogne laboratoire politique : les majorités possibles

Région-clé de l'Espagne, abritant 16% de sa population et assurant 20% du produit national brut, canalisant pacifiquement (contrairement aux Basques) son nationalisme, la Catalogne a contribué pendant le dernier quart de siècle à la stabilité démocratique de l'Espagne postfranquiste. Mais, depuis les élections régionales de dimanche, elle fait figure de laboratoire politique capable de transformer en mélange explosif la coalition qu'il faudra nécessairement former pour gouverner la Generalitat.

Au moins quatre majorités sont possibles:

1. Majorité nationaliste (69 députés sur 135), associant les modérés de CiU aux indépendantistes républicains d'ERC. Artur Mas appelle Josep-Lluis Carod-Rovira à former une telle coalition. De Madrid, Mariano Rajoy, secrétaire général du PP et candidat du parti gouvernemental à la succession de José  Maria Aznar aux prochaines législatives, prie Artur Mas de ne pas mettre en péril la stabilité de l'Espagne et de la Catalogne en s'alliant à un parti, ERC, "qui revendique la libre association avec l'Espagne comme un pas avant l'indépendance".

2. Majorité idéologique (74 députés) regroupant, au nom du "progressisme" de gauche, les socialistes du PSC, les indépendantistes d'ERC et les communistes et écologistes d'ICV. Les socialistes tant catalans que nationaux sont les promoteurs de ce néo-front populaire qui, espèrent-ils, compenserait l'impact négatif de leur défaite inattendue en Catalogne. De Madrid toujours, Mariano Rajoy et le PP avertissent les socialistes qu'en proposant une alliance à un parti aussi radical qu'ERC ils pourraient perdre leur crédibilité de candidats à la gestion de l'Espagne.

3. Majorité dite de "concentration" (120 députés). Elle regrouperait tous les partis ayant obtenu une représentation au Parlement catalan, à l'exception du PP, le parti gouvernemental espagnol. C'est la formule proposée par les arbitres que sont désormais les républicains indépendantistes d'ERC pour donner la plus grande assise possible à un élargissement de l'autonomie de la Catalogne. Le PP est le seul parti à s'opposer à une révision du statut d'autonomie régionale. Selon Josep-Lluis Carod-Rovira, cette "concentration" aurait l'avantage d'intégrer à la fois "le progressisme et le catalanisme".

4. Majorité "contre nature" (88 députés): celle que pourraient former théoriquement les nationalistes modérés de CiU et les socialistes. Leur antagonisme est tel que cette solution supposerait comme préalable le remplacement de Pasqual Maragall à la tête des socialistes catalans. Les milieux économiques sont favorables à cette coalition pour éviter "l'aventure" d'un exécutif régional comprenant les radicaux d'ERC.

Les nationalistes basques applaudissent

Au-delà du cadre catalan, la majorité absolue virtuelle que constitue l'addition des sièges des nationalistes modérés de CiU et des indépendantistes républicains d'ERC est applaudie par le Parti nationaliste basque (PNV), au pouvoir dans sa région. Il y voit un appui au moins moral dans le grave conflit institutionnel qu'il a créé avec Madrid en préparant un plan de "libre association" avec l'Espagne qui devrait déboucher, en 2005, sur un référendum d'autodétermination incompatible avec la Constitution espagnole.

L'Espagne se trouve donc désormais confrontée, tant au Pays basque qu'en Catalogne, au réveil des défis nationalistes qui furent, en 1936, l'un des prétextes au soulèvement franquiste contre la République. Le leader socialiste Rodriguez Zapatero, partisan d'un aggiornamento proche du fédéralisme des autonomies régionales, attribue la nouvelle crispation aux intransigeances qu'il impute au président du gouvernement, José Maria Aznar. A ce propos, d'autres socialistes et les nationalistes catalans et basques accusent M. Aznar de "nationalisme espagnol" exacerbé. Pendant la campagne électorale catalane, Pasqual Maragall, en claire allusion au chef de l'exécutif espagnol, affirmait que les "séparateurs" encouragent le séparatisme.

Enfin, la résurgence spectaculaire des républicains d'ERC, parti créé en 1931 avec la Deuxième République, n'est certainement pas le cadeau que voulait déposer le roi Juan Carlos dans la corbeille de mariage de son fils, le prince héritier Felipe, qui épousera au printemps 2004 la journaliste Letizia Ortiz.

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