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Première Constitution européenne : l'Espagne banalisée et divisée

Javier Solana (à gauche) et José Luis Rodriguez Zapatero au sommet de Bruxelles - Photo Conseil de l'Union européenne
MADRID, dimanche 20 juin 2004 (LatinReporters.com) - En Espagne, seuls les socialistes du président du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero sont officiellement satisfaits de l'accord sur une Constitution européenne obtenu vendredi au sommet de Bruxelles. Si l'Espagne devait aujourd'hui ratifier par référendum cette Constitution qui la banalise en la ravalant à son rang de pays moyen, les critiques de toutes les autres formations parlementaires -conservatrice, communiste et nationalistes- feraient craindre un "non" populaire à la charte continentale, les socialistes ne regroupant qu'une majorité relative d'électeurs et de parlementaires.

La ratification par référendum de la première Constitution européenne était prônée par tous les partis espagnols, le socialiste y compris, lors des campagnes électorales des législatives du 14 mars dernier et du scrutin européen du 13 juin. Mais samedi, au lendemain de l'approbation de cette Constitution par les 25 chefs de gouvernement de l'Union européenne (UE), le ministre socialiste espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, disait à Madrid qu'un référendum "n'est pas encore envisagé définitivement".

Javier Solana président de la Commission européenne?

Le socialiste espagnol Javier Solana déclarait samedi à Sitges (Catalogne) qu'il lui "coûterait beaucoup de dire non" si une "demande consensuelle" des chefs de gouvernement européens l'invitait à présider la Commission européenne après le départ, fin octobre, de l'Italien Romano Prodi.

Le sommet de Bruxelles des 17 et 18 juin n'a pas réussi à désigner le successeur de M. Prodi. Le candidat initialement favori, le Premier ministre libéral belge Guy Verhofstadt, soutenu par la France et l'Allemagne, s'est retiré devant le refus que lui opposaient plusieurs pays, dont le Royaume-Uni et l'Italie.

Ancien secrétaire général de l'OTAN, Javier Solana est actuellement Haut représentant de l'Union européenne pour la Politique extérieure et de Sécurité commune (PESC). Il a reçu un appui unanime à sa future désignation comme ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne lorsque la Constitution communautaire entrera en vigueur, dans deux ou trois ans, après sa ratification parlementaire ou référendaire par les 25 pays de l'UE.

Dernière heure

LE PP DIRAIT TOUT DE MÊME OUI À LA CONSTITUTION

Mariano Rajoy, secrétaire général du parti Populaire (PP, opposition conservatrice) a déclaré dimanche au journal madrilène El Mundo que son parti voterait, si un référendum était convoqué, en faveur de la Constitution européenne adoptée le 18 juin au sommet de Bruxelles en dépit du caractère "très insatisfaisant pour l'Espagne" du résultat obtenu au sommet par le président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero. M. Rajoy reproche au leader socialiste son "pas en arrière quant au poids de l'Espagne en Europe".
Il précisait que l'intention du gouvernement est "de débattre au Parlement avec les groupes politiques afin de définir de manière consensuelle le meilleur instrument ou la meilleure méthode pour mener à bien la ratification" (de la Constitution européenne). Le ministre Moratinos a annoncé par ailleurs une campagne gouvernementale pour mieux informer les Espagnols du contenu de la Constitution et "les rapprocher du projet européen".

Un rien plus explicite, le secrétaire général du groupe parlementaire socialiste au Congrès des députés de Madrid, Diego Lopez Garrido, conditionne un référendum, qu'il dit souhaiter, à un "dialogue" entre les différents partis pour garantir que l'Europe "ne soit pas un motif de division, mais plutôt d'union"...

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Autrement dit, le gouvernement socialiste espagnol ne convoquerait un référendum pour ratifier la première Constitution de l'UE que s'il était assuré qu'une majorité de partis représentant une large majorité d'électeurs feraient campagne pour le "oui". Et ce n'est précisément pas le cas aujourd'hui.

"Nous avons obtenu une capacité d'influence sur les décisions les plus importantes, tant au Conseil qu'au Parlement (de l'UE)" exultait José Luis Rodriguez Zapatero à Bruxelles après l'accord sur la Constitution. Que sa première participation à un sommet européen ait coïncidé avec un tel accord historique multipliait sa satisfaction.

Certes, la double majorité de 55% des Etats et de 65% de la population retenue par la Constitution approuvée à Bruxelles augmente le poids de l'Espagne dans la prise de décisions communautaires (et plus encore dans la faculté de les bloquer) par rapport aux 50-60% initialement proposés.

Mais pour revenir dans la mouvance européenne autour de l'axe franco-allemand -dont s'était écarté le gouvernement conservateur atlantiste de José Maria Aznar- José Luis Rodriguez Zapatero a dû jeter aux orties le Traité de Nice. Paradoxalement approuvé à l'unanimité des pays de l'UE en décembre 2000 et considéré à l'époque, même par M. Zapatero, comme une victoire de M. Aznar, ce Traité de Nice -en vigueur jusqu'à la prochaine ratification de la Constitution- confère encore à l'Espagne (et à la Pologne) un poids décisionnel quasi identique à celui des "grands" européens, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Italie. La Constitution, par contre, banalise l'Espagne et la Pologne en liant leur poids institutionnel à leur population, quelque 40 millions d'habitants chacune, soit à peine 8% de l'UE.

Conservateurs, communistes et nationalistes critiquent la Constitution européenne

Ce ravalement de l'Espagne à son rang moyen fait croire à l'opposition conservatrice du Parti populaire (PP) que toute difficulté dans la ratification de la Constitution européenne -un processus exposé à des incertitudes, notamment la britannique, et qui s'étalera sur plusieurs années- favoriserait les intérêts espagnols puisque le Traité de Nice restera d'application jusqu'à cette ratification.

Le numéro deux du PP, l'ex-ministre de l'Intérieur Angel Acebes, affirme que la Constitution approuvée à Bruxelles éjecte l'Espagne du groupe des grands pays de l'Union européenne. Il accuse le gouvernement socialiste d'avoir renoncé au pouvoir de décision du Traité de Nice "en échange de rien" et il réaffirme la nécessité d'un référendum.

Côté communiste, l'eurodéputé Willy Meyer, tête de liste d'Izquierda Unida (Gauche unie) aux élections européennes du 13 juin, estime que le texte de la Constitution "n'est pas celui dont l'Europe a besoin", car il permettrait une politique d'emplois précaires, une politique agricole dévastatrice pour les régions méditerranéennes et une politique extérieure et de défense encore soumise aux Etats-Unis. Izquierda Unida exige aussi un référendum.

Quant aux nationalistes et indépendantistes basques, catalans et galiciens, ils n'apprécient guère que la Constitution consacre "l'Europe des Etats en ignorant l'Europe des peuples". Ils reprochent en outre au socialiste José Luis Rodriguez Zapatero un manque "d'efficacité et de diligence" qui aurait empêché la reconnaissance officielle comme langues de l'UE du basque, du catalan et du galicien. Les nationalistes considèrent "insuffisante" la décision de traduire officiellement dans leur langue la Constitution européenne.

Au lendemain de l'accord de Bruxelles, les titres de la presse madrilène reflétaient eux aussi la division des opinions. "Zapatero affirme que l'Espagne gagne une grande capacité d'influence" soulignait le quotidien pro-socialiste El Pais. "Zapatero obtient un partage de pouvoir acceptable dans la Constitution européenne" tempérait le centriste El Mundo. "Satisfaction du gouvernement après un pacte qui consacre le pouvoir allemand" sanctionnait le conservateur ABC.

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