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Pour l'Union européenne, Washington et Madrid, l'ETA n'est plus qu'une organisation terroriste

Espagne: mise hors-la-loi de Batasuna, bras politique des séparatistes basques de l'ETA

par Christian Galloy

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Dossier Espagne

Pays basque - ETA

Suspension de Batasuna
pour 3 ans et fermeture
de ses locaux

MADRID, mardi 27 août 2002 (latinreporters.com) - Première formation politique contrainte à la clandestinité en Espagne depuis la fin de la dictature franquiste, le parti indépendantiste basque Batasuna a été suspendu judiciairement lundi pour une durée de trois ans pour son appartenance supposée au conglomérat terroriste dirigé par les commandos séparatistes de l'ETA.

En conséquence, Batasuna ne devrait pas pouvoir se présenter aux élections municipales du 25 mai 2003, ce qui bouleversera la carte politique des trois provinces basques et de la Navarre. En 1999, Batasuna y avait recueilli 228.169 votes, 890 conseillers municipaux et le contrôle de 62 mairies, avec des scores variant de 14,12% (province d'Alava) à 27,89% (province du Guipuzcoa).

La suspension a été prononcée par le célèbre juge Baltasar Garzon, initiateur des poursuites internationales contre l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet. Décrivant avec minutie dans une ordonnance de 375 pages "la relation instrumentale, de subordination hiérarchique" de Batasuna à l'égard de l'ETA, le juge Garzon rend coresponsable le parti suspendu des "crimes contre l'humanité" perpétrés par les commandos armés séparatistes.

Fondée en 1959, l'ETA a commis depuis 1968, selon le décompte de Baltasar Garzon, 3.391 attentats faisant 836 morts et 2.367 blessés. Presque tous ces actes terroristes ont été commis alors que l'Espagne était redevenue une démocratie permettant notamment l'existence et la participation de Batasuna aux élections. Des personnalités tant centristes que socialistes et conservatrices ont été victimes de l'ETA.

La suspension ordonnée par le juge Garzon prévoit la fermeture des centaines de locaux divers gérés ou possédés par Batasuna au pays basque et en Navarre. L'eau, le gaz, l'électricité et le téléphone de ces locaux seront coupés dès que possible. Le parti indépendantiste verra ses comptes bancaires gelés et son site web bouclé. Plus aucune activité ne sera tolérée sous le sigle Batasuna ou sous tout autre sigle de circonstance (le parti a déjà changé deux fois de nom).

Parallèlement à l'action du juge Garzon, 88% des députés espagnols ont approuvé lundi une motion demandant au gouvernement de solliciter du Tribunal suprême l'interdiction définitive de Batasuna.

Le porte-parole de Batasuna, Arnaldo Otegi, a annoncé l'intention des dirigeants et militants de demeurer dans les locaux du parti pour défendre "la dignité nationale d'un peuple" et revendiquer "ce que nous sommes, des Basques libres qui ne se soumettent pas à la légalité espagnole".

Peu après minuit, ce mardi, seul le siège de Batasuna de la ville de Pampelune, capitale de la Navarre, avait été délogé par la police.

MADRID, lundi 26 août 2002 (latinreporters.com) - Créée en 1978, trois ans après la mort du général Franco, la coalition indépendantiste basque Batasuna est considérée depuis près d'un quart de siècle comme le bras politique des commandos séparatistes armés de l'ETA. C'est sur cette base qu'un juge espagnol pourrait suspendre dès cette semaine les activités de la coalition et fermer provisoirement ses locaux. Sa mise hors-la-loi définitive, sollicitée par une large majorité parlementaire et par le gouvernement espagnol, pourrait être prononcée par le Tribunal suprême avant les élections municipales de 2003. Les nationalistes modérés s'y opposent, redoutant une situation incontrôlable au Pays basque.

Qu'il ait fallu plus de vingt ans pour considérer indispensable d'interdire une coalition qui applaudit les attentats de l'ETA (plus de 800 morts depuis les années 1970) reflète les complexes dont souffrait la société espagnole après 40 ans de dictature franquiste. Soucieuse de voir sa démocratisation reconnue, l'Espagne post-franquiste du roi Juan Carlos, d'abord centriste, puis socialiste et aujourd'hui conservatrice, semblait craindre jusqu'il y a peu qu'une interdiction de Batasuna ne soulève dans l'opinion internationale l'accusation de retour aux pratiques totalitaires.

Autour du dossier basque comme autour d'autres, qu'il s'agisse par exemple du radicalisme islamiste ou de la guerre civile en Colombie, les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis ont contribué a dissipé les complexes des démocraties occidentales. Les séparatistes basques de l'ETA, la guérilla colombienne marxiste des FARC et l'Al-Qaïda d'Oussama ben Laden cohabitent actuellement sur les listes officielles des organisations terroristes dressées non seulement par les Etats-Unis, mais aussi par l'Union européenne, longtemps tolérante à l'égard de la violence politique perçue comme étant de gauche.

Aujourd'hui terroristes aux yeux des démocraties occidentales, les séparatistes basques furent, pour l'Europe, des "combattants de la liberté" sous la dictature franquiste. Mais aucun dirigeant du Vieux continent ne s'aventure plus à défendre des séparatistes basques qui continuent à massacrer les adversaires, de gauche ou de droite, de l'indépendance et de la société collectiviste qu'ils prétendent imposer par les bombes.

C'est dans ce contexte qu'intervient la mise hors-la-loi en cours de Batasuna. Que la suspension judiciaire pénale immédiate, parallèle à la procédure d'interdiction définitive promue par le parlement et le gouvernement espagnols, soit lancée par le célèbre et respecté juge Baltasar Garzon est également un signe des temps. Initiateur des poursuites internationales contre l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet et proposé comme candidat au Prix Nobel de la paix pour sa contribution à l'internationalisation de la justice et des droits de l'homme, le juge Garzon peut difficilement être soupçonné d'être, comme le prétend Batasuna, "un mercenaire au service d'un régime fasciste".

"Ni le gouvernement ni les partis démocratiques ni, je l'espère, aucun tribunal ne laisseront une minute de répit" à Batasuna déclarait samedi le président du gouvernement conservateur espagnol, José Maria Aznar. Il estime que la mise hors-la-loi de la coalition indépendantiste basque va mettre fin au "sanctuaire institutionnel de l'ETA". Des sources gouvernementales précisent que la suppression du financement institutionnel et de l'accès aux informations réservées dont bénéficiait, comme tout parti légal, Batasuna réduira les ressources financières et les capacités opérationnelles des terroristes de l'ETA.

Batasuna est visée par la récente loi, approuvée il y a deux mois, interdisant les partis politiques qui soutiennent implicitement ou explicitement le terrorisme. Pour réclamer son application par le Tribunal suprême, la majorité absolue parlementaire du Parti Populaire (PP) de José Maria Aznar est appuyée par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), principale formation de l'opposition.

Juan José Ibarretxe, président du gouvernement régional basque dominé par le PNV (Parti nationaliste basque, considéré comme "modéré") avertissait dès le 31 mai dernier que la mise hors-la-loi de Batasuna donnerait, selon lui, de l'oxygène à l'ETA et compliquerait la pacification de la région. Le dirigeant historique et président du PNV, Xabier Arzalluz, prétend même que l'interdiction de Batasuna risque d'être suivie de poursuites contre ceux qui ne se déclarent pas "constitutionnalistes". (Le PNV n'a jamais approuvé explicitement la Constitution espagnole de 1978, estimant qu'elle limite l'autonomie du Pays basque).

"Nous n'accepterons pas que les principes démocratiques et, plus encore, les principes moraux ne soient pas situés au-dessus de l'idéologie nationaliste" affirmait samedi José Maria Aznar. Il répliquait ainsi tant aux Basques du PNV qu'aux nationalistes modérés au pouvoir en Catalogne. Ces derniers ont choisi, lors des débats parlementaires sur l'interdiction de Batasuna, une abstention critiquée par Madrid.

Quant à l'ETA, elle a, dans un communiqué, menacé de représailles les formations politiques qui contribueraient à l'interdiction de Batasuna. Cette dernière vient d'appeler publiquement à "la résistance à l'Etat espagnol, qui veut détruire non un sigle, mais un peuple". Selon la coalition indépendantiste, le chef de l'exécutif espagnol, José Maria Aznar, subira au Pays basque son "Stalingrad politique".

Aux dernières élections régionales basques, en mai 2001, Batasuna avait récolté 143.139 voix, soit 10,12% des suffrages exprimés. Ce pourcentage signifiait un recul important de Batasuna par rapport à son score historique de 17,91%, aux élections régionales de 1998.

Batasuna compte par ailleurs 890 conseillers municipaux et contrôle 62 mairies dans les trois provinces basques et en Navarre, région dont les indépendantistes réclament le rattachement au Pays basque.

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