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Venezuela: le succès de la grève patronale affaiblit le président Chavez

Hugo Chavez
© Rep. Bolivariana
de Venezuela
CARACAS, mardi 11 décembre 2001 (LatinReporters.com) - Populiste de gauche et admirateur de Fidel Castro, le président vénézuélien Hugo Chavez a été politiquement affaibli par le succès, lundi, d'une grève nationale convoquée par le patronat et appuyée par le principal syndicat.

La presse qualifie "d'historique" la conjonction insolite patronat-syndicat. La grève s'opposait à l'adoption par décret de 49 lois accroissant l'emprise de l'Etat et l'autoritarisme présidentiel sur la vie économique, sociale, financière et administrative.

A l'appel de Fedecamaras, la plus importante association patronale, et de l'influente Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), le pays a été paralysé à 90%, selon les organisateurs de la grève.

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Dans l'ensemble du Venezuela, la plupart des entreprises, marchés, écoles, petits commerces, banques, grandes surfaces commerciales, journaux, transports publics, stations d'essence, médecins, pharmacies, bars et restaurants ont suivi l'appel à la grève.

Les principales avenues de Caracas, métropole grouillante de cinq millions d'habitants, étaient vides. "Il y a moins de gens dans la rue qu'un dimanche de vacances" commentait un agent de police du quartier résidentiel de Chacao, dont les centres commerciaux, fermés lundi à double tour, drainent d'ordinaire un trafic intense.

Fedecamaras a qualifié la grève "d'ample succès" et la CTV de "démonstration cinglante" contre le président Chavez.

Le patronat reproche aux lois adoptées par décret "de limiter l'initiative privée et de violer des droits fondamentaux, tel celui de la propriété". Fedecamaras demande au président Chavez d'en retarder l'application et de les amender après consultation des secteurs concernés, afin d'éviter "la plus grande confiscation de propriétés de l'histoire du pays".

"Mascarade démocratique"
selon l'Internationale
socialiste

Réuni le 28 novembre dernier à Saint-Domingue, le Conseil mondial annuel de l'Internationale socialiste condamnait "les tentatives répétées du gouvernement vénézuélien de rogner les instances démocratiques en dictant des dispositions normatives sans l'approbation de l'organe législatif".

Selon l'Internationale socialiste, "le gouvernement du Venezuela est en train de convertir la démocratie et ses institutions en mascarade, établissant un précédent néfaste qui semble être le prélude à l'instauration d'un régime autoritaire".

La plus polémique est la "Loi des terres". Elle prétend éliminer le latifundisme, la grande propriété terrienne, plaçant dans cette catégorie "tout terrain rural, inutilisé ou non cultivé, excédant 5.000 hectares". Ces terres seront soumises à un nouvel impôt. Elles pourront aussi être expropriées et redistribuées aux paysans.

La "Loi des zones côtières" n'est pas davantage appréciée par le patronat. Elle déclare de domaine public les terrains situés à moins de 80 mètres d'un quelconque rivage maritime, lacustre ou fluvial. Selon Pedro Carmona, président de Fedecamaras, "cela signifie la confiscation de millions de parcelles immobilières, touristiques et industrielles, touchant des villes entières".

Quant à la "Loi des hydrocarbures", elle élève à 30% -au lieu de 16,7%- l'impôt sur la production pétrolière. Elle établit en outre la prépondérance de l'Etat, dont la part minimale devra être de 51%, dans toute association stratégique du secteur pétrolier. De nombreux analystes estiment que cette loi découragera les investisseurs étrangers, au risque d'appauvrir gravement le Venezuela, 4e exportateur mondial de pétrole, qui assure 70% des ressources de l'Etat.

Les syndicalistes de la CTV accusent, eux, le président Chavez de vouloir torpiller la démocratie syndicale. Le nouveau président de la CTV, le social-démocrate Carlos Ortega, n'a pas oublié qu'un candidat bruyamment appuyé par le chef de l'Etat fut son rival aux dernières élections syndicales.

Le succès de la grève déstabilise d'autant plus Hugo Chavez qu'il avait appelé "le peuple à sortir dans la rue et à déclarer jour de joie" le lundi 10 décembre, qui fut l'un des jours les moins animés de mémoire de Vénézuélien. Ni un meeting militaire aérien à Caracas ni la réunion de 4.000 "chavistes" pour acclamer leur chef en uniforme de parachutiste ne sauvèrent le prestige présidentiel.

Conscient de sa défaite, mais décidé à promulguer les lois contestées, Hugo Chavez a réagi en menaçant de "serrer les écrous de l'oligarchie" et de traduire en justice ses adversaires. La veille, il promettait aux médias, majoritairement critiques à son égard, une nouvelle loi qui leur imposerait "l'éthique". Et la semaine dernière, le chef de l'Etat, ancien lieutenant-colonel putschiste, avertissait que sa "révolution est armée".

Elu à la présidence du Venezuela le 6 décembre 1998 avec 67% des suffrages, Hugo Chavez était réélu pour six ans en juillet 2000 après l'adoption d'une nouvelle Constitution.  Aujourd'hui, il affirme qu'il n'abandonnera le pouvoir "que le 31 décembre 2021, lorsque j'aurai 67 ans". On ne sait trop s'il s'agit d'une boutade ou d'un élan de ce "caudillisme messianique" que lui attribue la presse.

Son ton agressif, son mépris de la négociation et son incapacité à réduire la pauvreté qui frappe 80% des 23 millions de Vénézuéliens ont fortement entamé la popularité de Hugo Chavez. Ses interminables allocutions radio-télévisées hebdomadaires sont depuis plusieurs semaines saluées par des concerts de casseroles. Les marchands ambulants vendent même des "cacerolazos" préenregistrés sur disque compact.

Sur le plan international, la croisade mondiale antiterroriste prend à contre-pied l'antiaméricanisme et les coquetteries de Hugo Chavez avec l'Irak et la guérilla colombienne. Les attentats du 11 septembre contre les Etats-Unis ont réduit l'influence diplomatique du Venezuela, dont le président estime que l'offensive américaine en Afghanistan "répond à la terreur par la terreur".


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