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Venezuela-référendum : Chavez favori des sondages et du marché pétrolier

Photos Prensa Presidencial
Chavez en campagne pour le "non" à sa révocation
Slogan chaviste: "Ouh! Ah! Chavez ne s'en va pas!"
Rassemblement chaviste le 8 août 2004 sur l'avenue Bolivar de Caracas
CARACAS, jeudi 12 août 2004 (LatinReporters.com) - Il déteste Bush, mais non les hommes d'affaires américains. Pimentant de castrisme sa révolution bolivarienne, il n'en est pas moins le favori du marché pétrolier. On le dit dictateur et voilà qu'il remet sa continuité aux mains du peuple. Pas facile donc d'enfermer le président vénézuélien et ex-officier putschiste Hugo Chavez dans une chapelle idéologique. Son torrent de dépenses sociales et clientélistes financées par la flambée des prix du pétrole contribuerait, selon les sondages, à sauver sa présidence au référendum du 15 août.

Parmi les 25 millions de Vénézuéliens, dont 70% de pauvres, 14.037.900 électeurs inscrits pourront, dimanche, répondre OUI ou NON à la question alambiquée "Etes-vous d'accord de laisser sans effet le mandat populaire de président de la République bolivarienne du Venezuela octroyé par des élections démocratiques légitimes pour l'actuelle période présidentielle au citoyen Hugo Rafael Chavez Frias?" (¿Está usted de acuerdo con dejar sin efecto el mandato popular otorgado mediante elecciones democráticas legítimas al ciudadano Hugo Rafael Chávez Frías como presidente de la República Bolivariana de Venezuela para el actual periodo presidencial?)

En clair, les électeurs doivent dire s'ils veulent congédier ou non leur président.

Si le "oui" l'emporte, Hugo Chavez s'en trouvera révoqué et un nouveau chef de l'Etat sera élu dans les 30 jours pour gouverner le Venezuela jusqu'au terme de l'actuel mandat présidentiel, en janvier 2007. Curieusement, aucune disposition légale n'empêcherait Chavez de briguer immédiatement sa propre succession.

L'éventuel paradoxe de sa réélection un mois après sa destitution n'est pas une hypothèse absurde, car aucun leader charismatique ne domine l'opposition, fragmentée sous le sigle "Coordination démocratique" en 20 partis politiques et autant d'organisations.

Cimenté superficiellement par l'aversion commune pour Chavez, ce magma va de l'extrême droite à l'extrême gauche, en passant par la démocratie chrétienne, la social-démocratie soutenue par l'Internationale socialiste et les principaux syndicats et organisations patronales. Pour expliquer l'actuelle marginalisation d'un tel rassemblement, les chavistes prétendent qu'il ne représente que "le Venezuela corrompu du passé".

Il faut au moins 3.757.773 "oui" pour destituer le président Chavez

Pour forcer la révocation de Chavez, le "oui" doit non seulement être majoritaire, mais aussi recueillir autant de suffrages que les 3.757.773 obtenus par le chef de l'Etat à l'élection présidentielle du 30 juillet 2000. La participation ne fut alors que de 56,31%, Chavez rassemblant 59,76% des votes exprimés. L'actuelle polarisation passionnelle des Vénézuéliens pourrait, selon les sondages, élever dimanche la participation à plus de 70%.

Quant à une victoire du "non", pronostiquée par la majorité des sondages avec une avance de 10 à 20 points, elle renforcerait le pouvoir de Hugo Chavez. Survivre au putsch d'avril 2002, à plusieurs grèves générales -surtout celle qui paralysa plus de deux mois l'industrie pétrolière- à l'hostilité de Washington et à ce référendum révocatoire convoqué grâce à plus de 2,5 millions de signatures recueillies par l'opposition, un tel parcours victorieux du combattant élèverait Chavez au rang d'icône tant au Venezuela qu'ailleurs en Amérique latine.

Les excès musclés des Cercles bolivariens (Circulos bolivarianos), créés par Hugo Chavez à l'image des Comités de défense de la révolution cubaine, menacent toutefois son aura démocratique.

Le "non" représente le refus "du passé, des vieux partis, de l'impérialisme américain et du néolibéralisme et il incarne l'espoir non seulement du peuple vénézuélien, mais aussi de tous les peuples d'Amérique latine" proclamait dimanche dernier le président Chavez devant plus de cent mille partisans qui l'acclamaient sur l'avenue Bolivar de Caracas.

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L'impact d'une nouvelle victoire chaviste épaulerait en effet l'altermondialisme subcontinental, la guérilla colombienne et les fortes communautés revendicatives indiennes du Pérou, d'Equateur et de Bolivie. Du pétrole vénézuélien à prix préférentiel continuerait à soulager l'exsangue économie cubaine. Après l'avènement du Parti des travailleurs de Lula au Brésil et le virage social-démocrate de l'Argentine de Kirchner, un enracinement du chavisme confirmerait le glissement à gauche du "siècle des Amériques" proclamé en 2001 par le président américain George W. Bush.

Oeuvres sociales et clientélistes financées par le pétrole

Même s'il qualifie Bush de "fasciste psychopathe" qui voudrait "coloniser" le Venezuela, Chavez est le favori du marché international pétrolier, échaudé par la paralysie du secteur lors de la grève générale menée par l'opposition de décembre 2002 à février 2003.

Les pétroliers souhaitent même une victoire écrasante, dimanche, de Chavez afin d'éviter les accusations réciproques de fraude et par conséquent l'instabilité que générerait un score serré.

Cinquième exportateur et huitième producteur mondial de pétrole, le Venezuela fournit, selon les périodes, de 13 à 17% des achats américains de brut. Et des sociétés américaines ont obtenu la majorité des licences pour exploiter le gaz naturel du Venezuela, dont les réserves sont les plus importantes d'Amérique latine.

"A Washington, un lobby pro-vénézuélien permanent préserve ce marché et Chavez a nommé son vice-ministre de l'Energie ambassadeur aux Etats-Unis" explique l'analyste vénézuélien Julio César Pineda.

Quant à l'ambassadeur américain à Caracas, Charles Shapiro, il reconnaît que "quel que soit le vainqueur du référendum, nous continuerons à acheter le pétrole que le Venezuela vend sur les marchés mondiaux".

La flambée des prix du pétrole -plus de 40 dollars le baril aujourd'hui, contre 17 dollars en 2000- a permis à Chavez de relancer sa popularité, incertaine il y a un an. Un programme clientéliste d'oeuvres sociales, "les missions", a englouti 2,6 milliards de dollars (le pétrole en rapportera 46 milliards cette année) dans la construction d'écoles, de logements, de dispensaires, ainsi que dans l'octroi de subsides alimentaires et de bourses diverses.

La distribution de terres aux paysans, la création de coopératives, l'alphabétisation massive d'enfants, une meilleure alimentation, l'assainissement de bidonvilles et la légion de 10.000 médecins cubains dans les quartiers les plus insalubres du pays ont sensibilisé de nombreux indifférents qui s'étaient abstenus lors du scrutin présidentiel de juillet 2000.

Chavez a consolidé ces avancées en octroyant au cours des trois derniers mois, avec une célérité inconnue auparavant, la nationalité vénézuélienne à plus de 200.000 étrangers, qui pourront voter. Pour en faire également des électeurs, une campagne nationale d'octroi de papiers d'identité vise des dizaines de milliers de pauvres sans existence administrative. Par rapport à la présidentielle de juillet 2000, le nombre d'électeurs appelés dimanche aux urnes a progressé de 19,7%.

L'opposition veut "réviser" l'accord "dolosif" avec Cuba

Du côté de l'opposition, Enrique Mendoza, gouverneur de l'Etat du Miranda et dirigeant le plus en vue de la Coordination démocratique, croit au triomphe du "oui" au référendum de dimanche. La révocation de Chavez, explique-t-il en substance, sera suivie d'élections primaires au sein de l'opposition pour désigner son candidat à l'élection présidentielle. Une manière de reconnaître que l'opposition n'a pas encore de chef naturel.

Le projet de gouvernement de la Coordination démocratique, baptisé "Plan pays de consensus" (Plan Consenso País), présente huit axes essentiels pour remédier notamment "au chômage, à l'insécurité juridique et économique et au manque de crédibilité internationale". Le plan propose de réduire les pouvoirs présidentiels et de "réviser" l'Accord de coopération avec Cuba en vigueur depuis octobre 2000, accord qualifié "d'illégal, inconstitutionnel et dolosif".

Mais l'opposition se garde de prendre le contre-pied des mesures sociales et clientélistes qui ont ravivé la popularité du président Chavez. Au-delà d'insultes mettant en doute les facultés mentales du chef de l'Etat, l'opposition, appuyée par la quasi totalité des médias privés, accuse Hugo Chavez d'autoritarisme populiste visant à établir progressivement une dictature à la cubaine.

Depuis trois ans, affrontements entre chavistes et opposants ont fait plusieurs dizaines de morts. Des heurts sont redoutés dimanche et les jours suivant le référendum, le perdant pouvant accuser le vainqueur de fraude électorale. Les Cercles bolivariens appellent les partisans du chef de l'Etat à voter tôt en arborant un vêtement ou autre signe distinctif rouge, couleur du chavisme, puis à demeurer dans la rue à disposition de leurs responsables de quartier...

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