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Rôle des Etats-Unis, ambition du Brésil, menaces sur la démocratie, échec relatif de la ZLEA/ALCA

Amérique latine 2020: scénarios d'évolution ou d'involution à long terme

Enfant mendiant dans les rues de Quito (Equateur): inégalités et exclusion toujours présentes à l'horizon 2020
Photo LatinReporters.com
BUENOS AIRES, mercredi 22 septembre 2004 (NuevaMayoria.com / LatinReporters.com)

La gouvernance démocratique et ses institutions, l'insertion internationale et en particulier les relations avec les Etats-Unis, ainsi que la sécurité face à des menaces pas nécessairement terroristes sont les principaux facteurs qui détermineront au cours des quinze prochaines années le futur de l'Amérique latine et les différences entre ses pays. L'évaluation de ce futur à l'horizon 2020 n'incite pas à l'optimisme.


"Amérique latine 2020: penser les scénarios à long terme" est le thème d'un séminaire organisé dans la capitale chilienne par la Georgetown University (Washington), l'Universidad Adolfo Ibañez (Santiago du Chili) et le Centre d'études Nueva Mayoria (Buenos Aires). Les conclusions de ce séminaire inscrit dans le cadre du projet Global Trends 2020 du National Intelligence Council (NIC) des Etats-Unis sont publiées cette semaine sur NuevaMayoria.com, qui offre régulièrement une collaboration rédactionnelle de qualité à notre site LatinReporters.com. Nous résumons les conclusions prospectives de ce séminaire. Elles ne représentent pas les opinions du gouvernement de Washington.

Institutions et gouvernance

Les règles du jeu démocratique pour accéder au pouvoir (élections libres) prévalent aujourd'hui en Amérique latine et dans les Caraïbes, sauf à Cuba et en Haïti.
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LATINOAMERICA 2020
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Sous-développement
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Dossier
Globalisation

Cependant, les institutions politiques, l'application des lois, l'économie et les divisions sociales présentent un bilan global ne répondant pas aux aspirations des citoyens.

Au cours des prochaines années, dans de nombreux pays de la région, la politique et la gouvernance subiront les effets négatifs de la crise du système des partis politiques. Menacés de désaffection et de fragmentation, les partis sont en outre incapables d'absorber de nouvelles demandes de représentation, telles celles d'ethnies autochtones qui se mobilisent.

La faiblesse des partis politiques favorisera l'émergence de leaders charismatiques, de la vidéopolitique, du mobilisationnisme et l'influence croissante de pouvoirs de fait sur les processus électoraux.

Une bonne partie de l'Amérique latine sera affectée par des crises de gouvernance. Pauvreté, inégalités et échec de réformes économiques entraîneront la perte de légitimité de gouvernements et une forte agitation sociale. La réponse à ces crises oscillera entre gouvernements faibles, populismes ou personnalismes autoritaires. C'est le scénario qu'affronteront la plupart des pays sud-américains et des Caraïbes et certains d'Amérique centrale.

D'autres pays progresseront sur le plan de la gouvernance démocratique et s'adapteront mieux à la globalisation. Le Chili, le Mexique, le Costa Rica et l'Uruguay vont dans cette direction, ainsi que le Brésil de manière plus partielle.

Le Brésil cherchera à consolider son rôle régional et à réduire l'interaction avec les Etats-Unis. La concrétisation de cette ambition dépendra non seulement de conditions internes, mais aussi du niveau d'implication que les Etats-Unis décideront d'avoir dans la région. Une hypothétique politique plus active de Washington en Amérique du Sud limiterait l'influence brésilienne sur le subcontinent.

Dans une minorité de pays tels le Paraguay, la Bolivie, le Guatemala et le Venezuela, de fortes tendances d'involution démocratique et de militarisation seront la conséquence de la stagnation économique et d'une situation conflictuelle interne attisée par des composantes politiques, sociales et ethniques.

Une crise plus profonde encore, allant jusqu'à la décomposition institutionnelle, menacera Haïti et des zones -pas nécessairement des pays- de la région andine.

Relation avec les Etats-Unis et Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA / ALCA

Les Etats-Unis demeureront au cours des quinze ans à venir la puissance leader de la globalisation. Ils resteront aussi l'acteur dominant dans les Amériques. Le type de relation avec les Etats-Unis que construira l'Amérique latine sera en conséquence un aspect clé du développement régional latino-américain. Le niveau d'intégration régionale voulu par Washington et la société nord-américaine contribuera aussi à définir la relation future. Mais dans l'agenda de Washington, la lutte antiterroriste et les défis posés par l'émergence de nouvelles régions pesant sur le destin mondial risquent de reléguer l'Amérique latine.

L'intégration économique et politique des pays latino-américains et des Etats-Unis sera hétérogène. La frontière informelle du canal de Panama se renforcera: au nord, en général, les pays seront plus influencés par l'évolution des Etats-Unis, tandis que l'Amérique du Sud consolidera son identité régionale, en fonction notamment de l'aspiration du Brésil à un leadership subcontinental.

L'ascension de la proportion d'"Hispanos" aux Etats-Unis aura une double influence: à l'intérieur des Etats-Unis, y compris sur ses dirigeants, ainsi que sur la relation des Etats-Unis avec l'Amérique latine. Cela favorisera une croissante interaction culturelle, politique et économique, en particulier avec la frange de pays allant du Mexique à la Colombie, d'où vient la majorité des futurs citoyens et électeurs hispano-américains.

Néanmoins, d'autres tendances suivent une direction contraire. Un intérêt insuffisant de secteurs commerciaux privés nord-américains pour les projets d'intégration commerciale avec l'Amérique latine et la réglementation pour renforcer la sécurité intérieure pourraient contrecarrer les avantages de la croissante hispanisation des Etats-Unis. Le rôle central de la sécurité intérieure et de la lutte antiterroriste dans l'agenda politique nord-américain sera parfois compris difficilement par une Amérique latine en proie à ses propres problèmes.

En outre, tous les pays latino-américains ne partageront pas la même volonté d'association avec les Etats-Unis. En divers cas, la situation géographique et/ou une vision commune des élites engendreront une volonté d'intégration à long terme. Mais en d'autres cas, tel le brésilien, le diagnostic de la nécessité de construire un profil régional réduisant l'interaction avec les Etats-Unis découle d'un consensus de la classe dirigeante.

Souvent, différents niveaux de résistance aux Etats-Unis de la part des populations latino-américaines entraîneront leurs dirigeants dans une politique de distanciation et de méfiance. La vision d'élites politiques et intellectuelles pourrait aussi renforcer la résistance à l'intégration.

L'ambition régionale du Brésil et son impact en Amérique du Sud, ainsi que la résistance à l'association avec les Etats-Unis de divers secteurs dirigeants et/ou de la société latino-américaine feront échouer le projet initial de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA ou ALCA, selon son sigle espagnol).

Quelques pays latino-américains suivront des inclinations géopolitiques ou les options de leurs dirigeants pour afficher une plus grande propension que d'autres à l'association avec les Etats-Unis.

L'option la plus probable de Washington sera d'approfondir ses liens avec le Mexique et l'Amérique centrale et d'admettre le rôle croissant dans l'hémisphère Sud du Brésil et/ou du Mercosur (marché commun sud-américain regroupant le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay). Avec les autres pays latino-américains, les Etats-Unis développeront une politique de "selected partners".

L'échec relatif de la ZLEA et l'hétérogénéité régionale dans l'acceptation du rôle des Etats-Unis limiteront le leadership nord-américain et créeront un vide d'initiatives multinationales dans des domaines où la coordination politique est nécessaire (défense et sécurité, écologie, narcotrafic, émigration).

Les défis de la sécurité

Plus de vingt disputes territoriales ne sont pas encore résolues en Amérique latine, mais elles devraient l'être, pour la plupart, au cours des quinze prochaines années. La probabilité de conflits armés internationaux dans la région est faible. Les progrès de la démocratie et de l'intégration commerciale, malgré les problèmes qui les freinent, mitigent fortement l'hypothèse de guerres entre Etats.

Des tendances au développement de conflits intérieurs subsisteront néanmoins. Certains pourraient avoir des répercussions internationales et/ou avoir, comme au temps de la Guerre froide, des liens avec des conflits extracontinentaux.

Les structures résiduelles de guérilla -le cas de la Colombie est le plus grave, mais non l'unique- ne seront pas facilement désarticulées par les Etats nationaux et des actions internationales permettant d'y remédier avec efficacité ne devraient pas être lancées au cours des prochaines années. Des pouvoirs de fait et des acteurs armés ne relevant pas de l'Etat (mafias, narcotrafiquants, groupes terroristes internationaux) pourraient nouer divers types d'alliances stratégiques avec des groupes armés irréguliers dans la région.

Des zones que l'Etat ne contrôle pas pleinement (divers départements colombiens, dont ceux du Boyaca et du Caqueta; les frontières entre le Venezuela et le Brésil et entre le Venezuela et la Colombie; des zones du Cochabamba en Bolivie; les côtes haïtiennes; etc.) seront les cibles privilégiées de ces alliances qui représentent un risque pour la sécurité globale.

La sécurité régionale pourrait aussi être menacée si, à défaut d'insertion politique et sociale satisfaisante, des mouvements indigénistes recourent à l'insurrection armée et à la violence politique.

La sécurité dans les grandes villes demeurera un problème croissant en Amérique latine.

D'une manière générale, la question de l'insécurité provoquera une revendication sécuritaire grandissante au sein des sociétés latino-américaines, favorisant les candidats politiques prônant la "main dure".

Population et question sociale

Evaluée en 2000 à 523.875.000 habitants, la population de l'Amérique latine et des Caraïbes atteindrait 676.399.000 en 2020, selon l'estimation des Nations Unies citée dans les conclusions du séminaire de Santiago.

Affectés par la pauvreté et les inégalités, de vastes secteurs de la population seront, dans la plupart des pays de la région, davantage vulnérables aux pratiques clientélistes et aux options électorales populistes, démagogiques et autoritaires aussi longtemps que des progrès sociaux significatifs ne se feront pas sentir.

La capacité latino-américaine à prévenir de futures crises économiques et leurs conséquences sociales restera incertaine, compte tenu de la fragilité des systèmes fiscaux des pays de la région et de la volatilité des cycles d'investissement.

L'économie souterraine, dont dépendent actuellement deux travailleurs sur trois en Amérique latine, accentuera son influence dans la création d'emplois, entretenant l'inégalité, l'exclusion et les déséquilibres fiscaux.

La part de l'Amérique latine dans le PIB (produit intérieur brut) mondial diminuera à cause de l'insuffisance de la productivité et de la capacité installée. Cette insuffisance est une conséquence de la faible croissance économique des dernières années. Cette évolution s'inscrira dans un contexte d'inégalités entre pays au niveau planétaire et entre pays latino-américains.

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