Accueil   |  Politique   |  Economie   |  Multimédia   |  Société   |  Pays+dossiers   | Forum 
Google
 
Web LatinReporters.com

Argentine: l'élection présidentielle la plus incertaine de l'histoire marquée par le phénomène Menem

Par Norma Domínguez
La droite économique a deux fers au feu

BUENOS AIRES / MADRID, samedi 26 avril 2003 (latinreporters.com) - Pro-américain et néo-libéral, Carlos Menem représente l'aile droite du péronisme. Les milieux d'affaires ne seraient pas fâchés de sa victoire. Ils s'inquiètent néanmoins du fort indice de rejet que soulève dans l'opinion l'ex-président, favori au premier tour, mais qui risquerait d'être battu au second, quel que soit son adversaire.

C'est peut-être pourquoi les milieux économiques et les médias qui les représentent ont misé aussi sur l'ex-ministre des Finances Ricardo Lopez Murphy, contribuant à sa surprenante ascension dans les sondages par la sensibilisation de la classe moyenne.

Parfois surnommé le "taliban du néolibéralisme", Lopez Murphy fut aussi consultant de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Il est bien en cour à Washington.

Le pari de la droite économique serait de réussir à placer à la fois Menem et Lopez Murphy en tête du premier tour de l'élection présidentielle. Ensuite, que l'un ou l'autre l'emporte au second tour n'aurait plus d'importance véritable, les milieux d'affaires étant dès lors assurés que l'Argentine serait gouvernée par un président qui les comprenne.

La gauche, elle, n'a selon les sondages aucune personnalité présidentiable. Seule, parmi les cinq principaux candidats, Elisa Carrio pourrait se revendiquer de la gauche. Mais le discours plus moraliste que réformiste de cette pasionaria anticorruption échappe aux schémas socialistes, communistes ou sociaux-démocrates traditionnels.

Christian Galloy

BUENOS AIRES, samedi 26 avril 2003 (latinreporters.com) - Plus de 25 millions d'Argentins sont appelés aux urnes pour élire ce dimanche le chef de l'Etat qui succèdera au président intérimaire Eduardo Duhalde. Cette élection apporte espoir et désolation, avec une même intensité. Espoir, car un changement peut toujours être bon lorsqu'on se porte aussi mal. Désolation, car après la clameur populaire pour "qu'ils s'en aillent tous", qui résonnait comme une promesse de rénovation de la classe politique, voilà qu'aujourd'hui se disputent la présidence des personnages qui, depuis toujours, occupaient au gouvernement des fonctions diverses. Preuve en est l'éternel retour de l'ex-président Carlos Menem.

Parmi les dix-neuf candidats, à peine cinq semblent avoir la possibilité de passer à un second tour quasi inévitable et, selon les sondages, les prévisions pour quatre d'entre eux constituent ce qu'on appelle un "match nul technique" pour la première place, les écarts étant minimes.

L'ex-président Carlos Menem, l'ex-ministre de l'Economie Ricardo Lopez Murphy, le gouverneur de la province de Santa Cruz, Nestor Kirchner, l'ex-président intérimaire Adolfo Rodriguez Saa (qui déclara le moratoire sur la dette en décembre 2001) et la députée Elisa Carrio ont, dans cet ordre, le plus de chances d'occuper la Casa Rosada présidentielle.

VOIR AUSSI:

Argentine: duel péroniste
Menem-Kirchner et choix de
société au second tour
de l'élection présidentielle

Argentine-Interview de
Carlos Menem, favori de
l'élection présidentielle:
"honorer la dette"

Argentine-Le nouveau
président ne sera
sans doute élu
qu'au second tour

Argentine-élection
présidentielle le 27 avril:
nouvelle politique et
nouvelle gouvernabilité

Argentine: radicalisation
des piqueteros?

Argentine: redollarisation?
La Cour suprême
annule la "pesification"
de comptes en dollars

Dossier Argentine

Le processus électoral se déroule dans des circonstances dont plusieurs sont absolument neuves. La première, peut-être la plus importante, est que le péronisme, principale force politique du pays, est officiellement divisé entre trois candidats, sembables idéologiquement, mais se différenciant par leurs propositions.

Une autre donnée intéressante est que, pour la première fois, l'historique parti radical (UCR, Union civique radicale) apparaît aussi scindé en trois fractions: deux issues des désertions d'Elisa Carrio et de Ricardo Lopez Murphy, devançant une troisième, officielle mais pratiquement inexistante, conduite par Leopoldo Moreau.

La mort du bipartisme traditionnel, jointe à l'absence de figures capables de représenter une classe moyenne grièvement blessée, explique peut-être les progrès foudroyants de Lopez Murphy, qui est remonté ces derniers jours, dans les sondages, de la quatrième place jusqu'à la porte d'accès au ballottage.

Les scénarios probables

Quoique les principaux aspirants affirment qu'ils gagneront au premier tour (hypothèse quasi impossible, aucun d'eux ne surpassant de 20 à 24% des intentions de vote) ou qu'au moins ils seront sûrement en ballotage, les derniers chiffres dessinent des scénarios aussi probables que surprenants.

Plusieurs études d'opinion défendent la thèse d'un ballottage entre Menem et Kirchner; d'autres le prévoient entre Menem et Lopez Murphy; quelques-unes, plus osées, supposent que le second tour se jouera entre Menem et Rodriguez Saa et seulement un sondage annonce une lutte finale entre Lopez Murphy et Kirchner. Les possibilités d'Elisa Carrio apparaissent réduites, mais vu la quantité d'indécis, nul ne s'aventure à la rayer d'un trait de plume de la course à la présidence.

La seule conclusion claire que l'on pourrait tirer des prédictions est que Menem passera au second tour et s'y mesurera soit à Kirchner (appuyé par l'appareil du président sortant Duhalde, mais sans pénétration dans une grande partie de la société), soit à Lopez Murphy (considéré comme un libéral orthodoxe aux propositions claires, mais qui porte le fardeau d'avoir été pendant quelques jours le ministre des Finances de Fernando De la Rua, l'ex-président radical renversé par des émeutes populaires), soit encore à Rodriguez Saa (un caudillo de province aux propositions pittoresques, de tendance populiste-nationaliste, marqué par les stigmates de sa déclaration de moratoire sur la dette et de la briéveté de sa présidence intérimaire, qui ne résista que sept jours).

Toutes les enquêtes d'opinion s'accordent sur un point: quel que soit l'adversaire de Carlos Menem au second tour, l'ex-président le perdrait à cause du fort sentiment antimenemiste perceptible dans l'opinion.

Le phénomène Menem

Le monde entier se demande comment il est possible que l'homme qui fut incarcéré à cause de soupçons de trafic d'armes, qui est accusé d'avoir conduit l'Argentine à la ruine et d'avoir dirigé l'un des gouvernements considérés comme les plus corrompus puisse aujourd'hui être à la première place des intentions de vote.

Plusieurs explications sont plausibles. Selon l'une d'elles, une grande partie de la classe moyenne argentine aurait la nostalgie de l'époque du "un pour un" (un peso pour un dollar), du crédit facile et à long terme, de la stabilité et de la sensation de "premier-mondisme" qui s'incarna dans de nombreux Argentins.

Une autre explication possible est que lorsque la société misa sur le changement, la situation se dégrada. Le gouvernement de Fernando De la Rua (l'Alliance UCR-Frepaso) commit tant d'erreurs et démontra tant d'incapacité qu'il recourut aux mesures parmi les plus anticonstitutionnelles de mémoire d'Argentin, de la mise sous enclos ("corralito") de l'épargne jusqu'à la déclaration d'un état de siège qui fut un boomerang. Aussi pourrait-on en déduire que beaucoup se souviennent du proverbe "de deux maux, il faut choisir le moindre".

Un autre argument serait que l'offre de candidats n'est pas suffisamment représentative d'une société qui se débat entre la frustration, la colère, le dégoût et la déception. Ou encore que les Argentins, si l'on considére qu'une majorité d'entre eux sympathise avec le péronisme, s'identifient mieux à Menem qu'aux deux autres candidats péronistes.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que, selon plusieurs sondages, la plupart des personnes interrogées désignent Menem comme vainqueur des élections et elles s'inclinent à nouveau en faveur de l'ex-président au moment d'estimer qui aurait la plus grande capacité de gouverner.   

On doit se souvenir aussi des élections présidentielles de 1989 et 1995. Tous les pronostics annonçaient alors la défaite de Menem, qui triompha néanmoins avec une majorité écrasante. On appelle cela l'expérience du "vote de la honte", de nombreux Argentins interrogés lors de sondages préélectoraux ayant eu apparemment honte d'exprimer aux enquêteurs leur sympathie pour Carlos Menem.

A quoi faut-il donc s'attendre?

A coup sûr, à rien de glorieux, compte tenu surtout de la fragmentation politique et que, jusqu'à la fin de l'année, le nouveau chef de l'Etat devra gouverner avec le Congrès actuel.

Le vainqueur héritera d'un pays fortement ligoté, baignant dans un ordre apparent, mais avec des problèmes de fond non résolus, tant en matière politique qu'économique et sociale.

Comment réagiront les Argentins, qui viennent de vivre la crise économique la plus dramatique de leur histoire, une fois seuls devant le bulletin de vote? Impossible de le prédire avant dimanche à minuit.

Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum


  Accueil   |  Politique   |  Economie   |  Multimédia   |  Société   |  Pays+dossiers  
 

© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
Nos textes peuvent être reproduits s'ils sont clairement attribués à LatinReporters.com avec lien actif vers notre site (ou mention de notre adresse http://www.latinreporters.com si reproduction sur support autre qu'Internet).