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Première défaite du président amérindien en 10 ans de pouvoir
Bolivie - référendum : non à un 4e mandat d'Evo Morales
 

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À Villa 14 de Septiembre, dans la région de Cochabamba, vote d'Evo Morales au référendum du 21 février 2016. (Photo Patricia Pinto / ABI)

[Actualisation du 24.02.2016 - Après décompte de 99,72% des votes, le Non l'a emporté de manière irréversible avec 51,30% des suffrages, ont annoncé les autorités électorales.]

LA PAZ, mardi 23 février 2016 (LatinReporters.com) – La Bolivie a dit non, dimanche par référendum, à une révision constitutionnelle qui aurait permis au président Evo Morales, amérindien de gauche, de briguer en 2019 un quatrième mandat consécutif (pour la période 2020-2025).

Cette première défaite électorale en dix ans de pouvoir du président Morales, qui gouvernera toutefois jusqu'en janvier 2020, s'inscrit dans le recul de la gauche en Amérique du Sud ilustré par ses revers, fin 2015, en Argentine et au Venezuela.

Six millions et demi de Boliviens étaient appelés aux urnes. Le dépouillement de 83,3 % des bulletins de vote dessinait lundi soir la suprématie du Non (53,8%) sur le Oui (46,2%), selon les chiffres diffusés par le Tribunal suprême électoral. La tendance était irréversible, signalait le gérant de la société de sondages IPSOS, Luis Garay.

« Je retournerais heureux et content chez moi »

Sans admettre encore sa défaite, déjà pronostiquée par les sondages à la sortie des urnes, Evo Morales, 56 ans, acceptait néanmoins de l'envisager lundi devant la presse.

Il poursuivrait sa « lutte » et sa « gestion » avant d'abandonner la présidence en janvier 2020. L'un de ses projets serait alors de revenir dans la zone de culture de coca du Chapare, tremplin de son pouvoir syndical et politique, pour y travailler sa parcelle et monter un restaurant et des cabanes où il attendrait la visite de journalistes.

« Je retournerais heureux et content chez moi. J'adorerais être dirigeant sportif » disait déjà, avant le scrutin au quotidien espagnol El País, cet ancien berger de lamas devenu premier chef d'État amérindien de Bolivie et actuel recordman de longévité présidentielle en Amérique latine.


Contre Evo Morales, un adversaire hors du commun : lui-même

Sa défaite, malgré une opposition faible et atomisée, Evo Morales la doit sans doute à l'adversaire hors du commun qu'il affrontait au référendum : lui-même. Malgré un bilan économique et social globalement positif qui a rendu sa dignité à la majorité amérindienne de Bolivie, il devait en effet surmonter en premier lieu l'usure naturelle de son pouvoir, accentuée par l'ambition de s'y perpétuer.

Le président Morales a probablement subi aussi un effet de contagion du déclin apparent de la gauche en Amérique du Sud après de longs cycles de pouvoir.

En Argentine, le conservateur Mauricio Macri mit fin en novembre dernier à 12 ans de présidence kirchnériste. Au Venezuela, l'opposition conquit en décembre le Parlement, aux mains du chavisme durant 16 ans. Et au Brésil, le pouvoir du Parti des travailleurs (PT) est chancelant après 13 ans de règne présidentiel.

D'autre part, la politique sociale d'Evo Morales commençait à être freinée par la chute de 50 % des prix du gaz, principal produit d'exportation bolivien, suite à l'effondrement des prix pétroliers mondiaux.

Corruption

Réelle ou supposée, la corruption, souvent liée à de longs cycles de pouvoir, a fait également retomber ses effets négatifs sur Evo Morales. Quoiqu'il s'en défende en y voyant un « complot » des États-Unis, il est soupçonné d'avoir usé de son influence en faveur de son ex-compagne, Gabriela Zapata.

À 28 ans, cette gérante commerciale en Bolivie de l'entreprise chinoise CAMC Engineering (Camce) a facilité la signature de contrats avec le gouvernement pour 576 millions de dollars. Une commission parlementaire a été constituée le 16 février pour vérifier si ces contrats sont entachés ou non de trafic d'influence.

L'ambition de continuité du chef de l'État pourrait en outre avoir été contrariée par le saccage et l'incendie de la mairie d'El Alto, contrôlée par l'opposition, où six personnes ont péri quatre jours avant le référendum.

Selon la maire Soledad Chapeton, membre du parti d'opposition Unité nationale (UN), ce coup de force qui a soulevé une vive émotion était dirigé par des anciens fonctionnaires proches du Mouvement vers le socialisme, le MAS présidentiel, visés par une enquête pour corruption présumée.

« Difficile de trouver un successeur »

L'unité du MAS sera mise à l'épreuve pour désigner avant l'élection présidentielle de 2019 un candidat à la charge suprême.

Il est probable que les résultats du référendum « entraînent des batailles internes pour succéder » à Evo Morales, juge l'analyste politique Andrés Torres. « Il est très difficile de trouver un successeur qui ait la même capacité de cohésion que lui parmi les organisations sociales », prévient-il.

L'homme d'affaires Samuel Doria Medina, leader de l'UN écrasé par Evo Morales aux trois dernières présidentielles, reprend son souffle. Selon lui, le référendum « a enterré le projet de convertir notre pays en celui d'un seul parti, à faire de notre État un État autoritaire ». Les Boliviens, poursuit-il, « ont récupéré la démocratie ».

Washington ne devrait pas tarder à tenir un discours équivalent. Pour l'heure, les États-Unis « félicitent le peuple de Bolivie pour leur participation à un vote pacifique ». Et au Venezuela, l'opposition antichaviste applaudit sans complexe le Non des boliviens.

Mais qu'il devienne restaurateur, cultivateur ou entraîneur sportif, difficile de croire qu'Evo Morales se perdra dans l'oubli après 2020.



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