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Front majoritaire de gauche pour le second tour de la présidentielle

Brésil-élections: face à Washington, Lula pense plus au Mercosur qu'à un axe Brésil-Cuba-Venezuela

RIO DE JANEIRO, vendredi 11 octobre 2002 (latinreporters.com) - L'administration conservatrice américaine du président George W. Bush aura quelque peine à nouer des rapports cordiaux avec Brasilia si le candidat du Parti des travailleurs (PT, gauche), Luiz Inacio Lula da Silva (appelé Lula), était élu à la magistrature suprême le 27 octobre, date du second tour de l'élection présidentielle brésilienne.

Lula est largement favori du scrutin. Il est hostile à un libre-échange continental dominé par les Etats-Unis. Un éventuel axe "progressiste" Brésil-Cuba-Venezuela qui défierait Washington n'est pas à l'ordre du jour. La priorité extérieure de Lula va au renforcement du marché commun sud-américain Mercosur.

Vainqueur, le 6 octobre, du premier tour de l'élection présidentielle avec 46,44% des suffrages, l'ex-ouvrier métallurgiste et ex-syndicaliste Lula affrontera au second tour le social-démocrate et ex-ministre de la Santé José Serra, qui n'avait recueilli que 23,2% des suffrages. José Serra est le préféré des milieux financiers internationaux.

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Dossier Brésil

Le ralliement à Lula annoncé par le candidat du Parti socialiste brésilien, Anthony Garotinho (éliminé au premier tour dont il fut 3e avec 17,87%), et par le candidat du Parti populaire socialiste, Ciro Gomes (4e avec 11,97%), placent déjà Lula à la tête d'une majorité virtuelle de gauche hostile au modèle économique libéral actuel. Ce front majoritaire représente théoriquement 76% des électeurs, mais il n'est pas sûr que les consignes de report des voix pour le second tour seront suivies unanimement.

Malgré son virage social-démocrate destiné à rassurer les marchés et les électeurs centristes, l'ex-marxiste révolutionnaire Lula peut difficilement se soustraire aux espoirs placés en lui par la gauche brésilienne et latino-américaine. S'il était élu chef de l'Etat, il devrait tenter d'accroître la relative autonomie à l'égard de Washington qui caractérise la politique extérieure brésilienne depuis la présidence de Juscelino Kubitschek (1955-1960). Le militarisme actuel des Etats-Unis favorisera cette distanciation. "Sur dix mots qu'il prononce, neuf sont destinés à provoquer une guerre" estime Lula à propos de George W. Bush.

Mercosur et ZLEA

En ce qui concerne la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) voulue par le président Bush dès 2005, Lula croit qu'elle serait, dans la conception actuelle du projet, "moins un accord de libre commerce qu'un processus d'annexion économique du continent" aux Etats-Unis. Le candidat du PT affirme que, s'il était élu à la présidence, il travaillerait "en priorité" à renforcer et élargir le marché commun sud-américain Mercosur, qui regroupe le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay. La crise économique et sociale sans précédent de l'Argentine fragilise aujourd'hui le Mercosur et ses membres.

"J'ai une tendresse spéciale pour l'Amérique latine et le Mercosur. Nous devons penser à la récupération de l'Argentine et à constituer des institutions supranationales pour consolider le Mercosur sur le plan économique, social et politique" déclarait Lula au lendemain de sa victoire à la majorité relative au premier tour de la présidentielle. Selon l'ex-syndicaliste, un Mercosur renforcé serait un interlocuteur de poids dans les forums internationaux et cette force serait "fondamentale dans les négociations de la ZLEA". Dans le cadre de ce renforcement, Lula souhaite l'adhésion au Mercosur du Chili (qui en est actuellement, comme la Bolivie, un membre associé), ainsi que du Pérou et du Venezuela.

D'autres divergences entre Washington et Brasilia seraient maintenues sinon élargies par Lula. Ce dernier ne ralentira certainement pas le combat du Brésil au sein de l'Organisation mondiale du commerce pour fabriquer des médicaments génériques contre le sida. José Serra lui-même, l'adversaire de Lula au prochain second tour de la présidentielle, avait, comme ministre de la Santé, remporté d'importantes victoires qui ont relativisé, face aux nécessités sociales, le droit de propriété intellectuelle des multinationales pharmaceutiques.

Colombie et Cuba

Comme Fernando Henrique Cardoso, le président social-démocrate sortant, Lula devrait montrer peu d'enthousiasme à l'égard du Plan Colombie. Ce plan repose notamment sur l'aide en matériel américain pour combattre à la fois le narcotrafic et la guérilla marxiste colombienne. Brasilia et d'autres capitales latino-américaines assimilent volontiers cet interventionnisme à une volonté d'hégémonie.

Cela ne signifie pas pour autant un appui de Lula à la violence de la guérilla. Le candidat du PT conseille en effet aux rebelles des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) de "s'organiser politiquement et de tenter d'arriver au pouvoir par la voie électorale, comme l'a fait le PT". "Il n'y a aucune relation" entre les FARC et le PT précise Lula. S'il était élu président, son gouvernement accepterait une invitation à participer à un règlement du problème colombien sur la base du dialogue entre les parties.

Quant à l'embargo auquel les Etats-Unis soumettent Cuba, le refus permanent du Brésil de l'approuver devrait être confirmé par Lula, d'autant plus qu'il entretient de bonnes relations personnelles avec le président communiste cubain Fidel Castro. A Washington, des élus du Congrès reprochent à Lula d'avoir fondé avec Fidel Castro le Forum de Sao Pablo, qui réunit les partis de gauche du continent américain.

Le président populiste vénézuélien Hugo Chavez étant aujourd'hui l'allié actif de Fidel Castro, auquel il fournit du pétrole à un prix préférentiel, des éditorialistes nord et sud-américains spéculent sur la création d'un axe "progressiste" Brésil-Cuba-Venezuela dirigé contre la domination politique et économique américaine.

Interrogé mardi par une chaîne de télévision brésilienne sur un éventuel "axe du mal latino-américain" (sic) qu'il pourrait former avec Fidel Castro et Hugo Chavez, Lula répliqua qu'il s'agissait "d'une plaisanterie de mauvais goût inventée par un journaliste de Miami". L'ex-syndicaliste brésilien avait déjà écarté en d'autres circonstances une assimilation de sa vision politique à celle du président vénézuélien Hugo Chavez, qu'il définissait comme un militaire "ayant besoin d'apprendre à négocier". Pour l'anniversaire de Lula, 57 ans depuis dimanche dernier, Hugo Chavez lui a néanmoins envoyé une réplique de l'épée de Simon Bolivar, le libertador de l'Amérique du Sud contre le joug espagnol.

Lance-pierre et bombes atomiques

Au moment où l'administration américaine soupçonne Cuba de développer des armes chimiques, une question très sensible pourrait renforcer durablement la méfiance de Washington à l'égard de Lula. Pendant la campagne électorale précédant le premier tour de la présidentielle, l'ex-ouvrier métallurgiste critiqua en effet devant des militaires brésiliens, qui applaudirent, l'adhésion du Brésil au Traité de non prolifération des armes nucléaires.

Selon Lula, ce traité "n'aurait de sens que si tous les pays possédant des armes nucléaires les détruisaient" et "dans l'état actuel, il ne serait qu'un obstacle au développement militaire des pays les plus pauvres". Et Lula d'insister: "Nous autres, les pays en développement, nous restons avec un lance-pierre, tandis qu'eux ont des bombes atomiques".

Dénonçant ces déclarations, ainsi que "les étroites relations" de Lula "avec le dictateur communiste Fidel Castro" et les réunions du probable futur président brésilien avec "des organisations radicales", dix élus républicains du Congrès américain, conduits par Dan Burton, président de la Commission des réformes gouvernementales de la Chambre des représentants, viennent d'envoyer à George W. Bush  une lettre s'inquiétant "des interrogations sérieuses" que ferait peser sur la politique internationale un gouvernement brésilien présidé par Luiz Inacio Lula da Silva.

L'influence décisive des Etats-Unis sur les décisions du Fonds monétaire international (FMI) devrait être la principale arme de Washington pour freiner l'antiaméricanisme d'un Brésil sauvé actuellement de la banqueroute par l'aide financière internationale.

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