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La Cour suprême ratifie la levée de l'immunité de l'ex-dictateur

Chili: Pinochet peut être jugé pour les crimes de l'Opération Condor

Augusto Pinochet et le pape Jean-Paul II
Photo Fundacion Augusto Pinochet Ugarte
SANTIAGO DU CHILI, jeudi 26 août 2004 (LatinReporters.com) -

L'immunité dont jouissait Augusto Pinochet en sa qualité d'ancien président de la République a été définitivement levée jeudi à Santiago par la Cour suprême du Chili. L'ex-général dictateur pourra être jugé pour participation présumée aux crimes de l'Opération (ou Plan) Condor, menée de manière coordonnée dans les années 1970 et 1980 par plusieurs dictatures d'Amérique du Sud pour éliminer physiquement des opposants de gauche.


La sentence de la Cour suprême est sans appel. Acquise à l'arraché par neuf voix contre huit, elle ratifie la levée de l'immunité d'Augusto Pinochet prononcée le 28 mai dernier par la Cour d'appel de Santiago.

Aux portes du tribunal, plusieurs dizaines de militants d'organisations de défense des droits humains et des parents de victimes de la dictature ont salué avec joie ce "jour historique". Une femme, très âgée, pleurait d'émotion.

"Les barrières qui nous empêchaient d'être tous égaux sont enfin rompues" s'est exclamée la députée socialiste Isabel Allende, fille de l'ex-président Salvador Allende, tué lors du coup d'Etat militaire de Pinochet. Le bilan des 17 années de dictature (1973-1990) du général putschiste fut de 3.197 morts et disparus, quelque 40.000 torturés et environ 200.000 exilés.

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Devant la Cour suprême, la santé mentale de Pinochet fut au centre des interventions des avocats de la défense et de l'accusation.

En juillet 2002, la même Cour suprême, comme la Cour d'appel un an plus tôt, avait suivi la défense de Pinochet en le déclarant frappé de "démence vasculaire irréversible". Cette démence légère supposée permit à l'ex-dictateur d'être considéré comme inapte à faire face à un procès, pour incapacité à se défendre. Il échappa ainsi aux poursuites ouvertes alors contre lui en tant qu'auteur intellectuel présumé de 57 assassinats et 18 enlèvements perpétrés en 1973 au Chili par des militaires. Ce dossier, connu comme celui de "La caravane de la mort", est juridiquement distinct de celui de l'Opération Condor.

"Pinochet ne peut être soumis à un procès en justice" estimait mercredi devant la Cour suprême l'avocat de l'ex-dictateur en rappelant le précédent de juillet 2002. La défense de Pinochet prétend par ailleurs que l'Opération Condor pourrait être comparée à la lutte que des pays démocratiques mènent aujourd'hui contre le terrorisme international.

Selon l'accusation, la sentence qui évita à Pinochet d'être jugé pour "La caravane de la mort" n'était pas applicable à d'autres cas, la Cour suprême ayant elle-même établi que les levées d'immunité devaient être examinées "cas par cas".

"Pinochet n'est pas dément" a soutenu en outre l'un des sept avocats de l'accusation, Hugo Gutierrez. Il a précisé devant les juges que des preuves évaluées par des psychiatres attesteraient de la lucidité de l'ex-président. Une interview accordée en novembre 2003 à une télévision hispanique de Miami par Pinochet, qui répondait avec aplomb pendant une heure, est l'une de ces preuves utilisées par le juge Juan Guzman Tapia pour mener contre l'ex-dictateur les poursuites actuelles liées à l'Opération Condor.

La sentence de la Cour suprême recommande néanmoins au juge Guzman de soumettre Pinochet à de nouveaux examens pour déterminer s'il jouit de toutes ses facultés mentales.

Considérée comme le fruit d'une initiative du Chili de Pinochet et de sa police politique, la DINA, l'Opération Condor aurait regroupé l'Argentine, le Chili, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et la Bolivie. Dans ce marché commun de la répression, chacun des régimes dictatoriaux de ces pays pouvait, selon des organismes humanitaires, envoyer au-delà de ses frontières des commandos militaires pour enlever, torturer ou assassiner des opposants. Les dictatures auraient aussi échangé des détenus pour récupérer et emprisonner ou éliminer leurs opposants nationaux.

Agé aujourd'hui de 88 ans, Augusto Pinochet souffre d'insuffisance cardiaque (il porte un pacemaker), d'arthrite et de diabète. Ses problèmes de santé avaient été invoqués en 2000 par le gouvernement britannique pour refuser son extradition vers l'Espagne, réclamée pour crimes contre l'humanité par le juge Baltasar Garzon. La procédure lancée par le célèbre juge madrilène au moment où Pinochet entamait une visite privée en Grande-Bretagne empêcha l'ex-dictateur de quitter le sol britannique pendant 18 mois, d'octobre 1998 à mars 2000.

En juillet dernier, une commission du Sénat américain révélait l'existence dans une banque de Washington de comptes secrets d'Augusto Pinochet sur lesquels auraient transité de 4 à 8 millions de dollars. La justice chilienne a ouvert une enquête sur l'origine de ces fonds que n'auraient pas déclarés l'ex-dictateur.

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