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Un député espagnol et deux députés néerlandais voulaient rencontrer des dissidents à la Havane

Cuba-UE-Espagne: 3 députés refoulés piègent les partisans du dialogue avec Castro

Le député Moragas (à droite) avec l'ex-président du gouvernement espagnol José Maria Aznar - Photo d'archives - Groupe PPE-DE
MADRID / LA HAVANE, dimanche 17 octobre 2004 (LatinReporters.com) - Lors de la révision, en janvier 2005, de la position de l'Union européenne (UE) à l'égard de Cuba, les partisans du maintien de sanctions diplomatiques contre le régime castriste rappelleront le refoulement, vendredi soir à l'aéroport de la Havane, de trois députés venus d'Europe pour rencontrer des personnalités de la dissidence cubaine. Cet épisode piège notamment, sur le plan international et national, le gouvernement espagnol du socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, qui prétend convaincre l'UE de renouer le dialogue avec le régime communiste de Fidel Castro.

"Inacceptable!"...  Face à son opinion publique, le gouvernement de Zapatero ne pouvait qualifier autrement le refoulement, à l'aéroport José Marti de La Havane, d'un parlementaire espagnol, le député conservateur Jorge Moragas, secrétaire aux Relations internationales du Parti Populaire (PP), principale formation de l'opposition.

L'ambassadrice cubaine à Madrid, Isabel Allende, a été convoquée "d'urgence" pour fournir des "explications" au ministère espagnol des Affaires étrangères. L'affaire fait d'autant plus de bruit en Espagne qu'un document sonore, diffusé par les médias audiovisuels, atteste de menaces d'emprisonnement lancées par la police cubaine contre Jorge Moragas s'il ne remontait pas dans l'avion, en provenance de Paris, dont il venait de débarquer.

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Le parlementaire espagnol était accompagné de deux députés néerlandais également refoulés, le libéral-démocrate Boris Dittrich et la démocrate-chrétienne Kathleen Ferrier. Aux Pays-Bas, le ministre des Affaires étrangères Bernard Bot a exprimé son "indignation" et sa "colère". A La Haye aussi, l'ambassadeur de Cuba a été convoqué pour présenter des "éclaircissements".

Les Pays-Bas assumant actuellement la présidence semestrielle de l'Union européenne, le refoulement de ses députés torpille l'optimisme, au sein de l'UE et en particulier en Espagne, des partisans de la normalisation avec La Havane. Une telle normalisation était déjà incertaine après l'élargissement de l'UE à des pays de l'Est qui ont longtemps souffert du communisme.

Sanctions diplomatiques toujours en vigueur

Le 5 juin 2003, l'Union européenne et les dix pays alors candidats qui ont adhéré à l'UE en mai dernier annonçaient des sanctions diplomatiques contre le régime castriste après l'emprisonnement de 75 dissidents et l'exécution de 3 candidats à l'exil qui avaient séquestré une embarcation transportant des touristes.

Les sanctions, toujours en vigueur, consistent notamment à limiter les visites gouvernementales de haut niveau, à réduire la participation de pays de l'UE à des événements culturels et à inviter lors de dates significatives des dissidents cubains dans les ambassades européennes à La Havane.

Le 12 octobre dernier, jour de la fête nationale de l'Espagne, son nouvel ambassadeur à La Havane, Carlos Alonso Zaldivar, nommé en juillet par le gouvernement socialiste de Zapatero, surprenait ses invités en leur déclarant que Madrid avait pris la tête d'un processus de "réflexion" au sein de l'UE pour normaliser les relations avec le régime castriste et qu'une nouvelle politique européenne envers Cuba serait une réalité "dans peu de temps".

Selon l'ambassadeur espagnol, les sanctions diplomatiques européennes seraient inefficaces et auraient créé une situation "profondément insatisfaisante" tant pour les relations avec Cuba que pour la promotion des libertés dans l'île. Ce changement de cap diplomatique de l'Espagne était confirmé trois jours plus tard par le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, qui insistait néanmoins sur son "désaccord avec la politique en matière de droits de l'homme et de libertés du régime de Fidel Castro".

Des dissidents cubains, que Carlos Alonso Zaldivar avait invités après des hésitations remarquées, quittèrent ostensiblement la résidence diplomatique en entendant le discours de l'ambassadeur. Le plus en vue des dissidents encore en liberté, Oswaldo Paya, leader du Projet Varela de démocratisation de Cuba, expliqua s'en être allé "par dignité". Il croit que, "par cohérence morale", l'UE doit maintenir une politique de fermeté qui a transmis au peuple cubain le message "qu'il n'est pas seul". Et si, comme le prétend l'ambassadeur Zaldivar, la politique de sanctions contre le régime castriste n'a pas eu les résultats escomptés, Oswaldo Paya note que "la [politique] précédente n'en a pas fourni davantage".

C'est précisément Oswaldo Paya, parmi d'autres dissidents, que les trois députés refoulés vendredi voulaient rencontrer pour l'assurer qu'une majorité de pays européens continuent -selon ces députés- à soutenir sa lutte par la fermeté à l'égard de Castro, en dépit de la nouvelle orientation de Madrid.

"Provocation politique grossière"

Le député Jorge Moragas et les deux parlementaires néerlandais éconduits avaient sollicité et obtenu un visa touristique. Mais avant d'embarquer vers La Havane, ils avaient publiquement clamé leur intention de rencontrer les dissidents cubains. Dès lors, leur refoulement semblait prévisible. Aussi socialistes et communistes espagnols affirment-ils que créer l'incident diplomatique était le but réel du voyage des députés.

Ce but a été atteint. Son succès médiatique en Espagne éclipsait encore dimanche l'anniversaire des six premiers mois de pouvoir de Zapatero. En accusant les trois députés de "provocation politique grossière" et de "solidarité avec les mercenaires [nom donné par Fidel Castro aux dissidents] à la solde des Etats-Unis", et surtout en les refoulant, le gouvernement cubain, fonçant comme un taureau sur la muleta, a largement contribué à ce succès.

Obligé, contre son gré, de condamner La Havane, le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, n'en appelait pas moins, samedi, l'opposition à "ne pas faire des relations avec Cuba une question de politique intérieure", la politique étrangère devant être une "politique d'Etat" soutenue par tous.

Peine perdue, car le chef de l'opposition conservatrice espagnole, Mariano Rajoy, président du PP, soulignait aussitôt "l'outrage à l'ensemble des citoyens espagnols" que représenterait le refoulement du député Moragas. Il en rejetait implicitement la responsabilité sur le gouvernement de Zapatero en estimant que son ambassadeur à La Havane "n'a pas été très fin ces derniers temps".

Quant au secrétaire général du PP, l'ex-ministre espagnol de l'Intérieur Angel Acebes, il accusait le gouvernement socialiste de s'être rangé "aux côtés de la dictature cubaine, contrairement à la politique de l'Union européenne".

D'autres personnalités de l'opposition prétendent que l'antiaméricanisme du gouvernement de Zapatero serait déterminant dans sa tentative de réconcilier l'Espagne et l'Union européenne avec la dictature castriste.

Pourtant pro-socialiste et ne pouvant encore se référer au refoulement des trois députés survenu quelques heures plus tôt, l'influent quotidien madrilène El Pais s'inquiétait samedi, dans un éditorial, d'un éventuel "antiaméricanisme inavouable de certains membres du gouvernement" et avertissait qu'il serait "aussi contre-productif que l'américanisme furibond que défendit [l'ex-président du gouvernement] Aznar".

Zapatero déclare ce dimanche au même journal que "l'Espagne se considère, veut et continuera à être l'amie des Etats-Unis", même si "la guerre en Irak a été, je le maintiens, une erreur".

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