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Le Venezuela reste divisé après la victoire de Chavez au référendum révocatoire

Analyse, par Norma Domínguez

Le président Chavez en campagne pour le NON à sa révocation avant le référendum du 15 août
Photo Prensa Presidencial
CARACAS, mercredi 18 août 2004 (LatinReporters.com) - En dépit de regards incrédules, le populiste de gauche Hugo Chavez a été confirmé dimanche à la présidence du Venezuela. Plusieurs points d'interrogations conditionnent son succès référendaire. La difficulté du chef de l'Etat à communiquer avec les Vénézuéliens d'une autre idéologie reste peut-être la principale incertitude. Le pays reste divisé.

Inquiète quant à la régularité du référendum révocatoire, l'opposition a vu ses élans de protestation anesthésiés par l'ex-président américain Jimmy Carter et par le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), Cesar Gaviria, qui rejetèrent devant la presse l'hypothèse d'une fraude et invitèrent les Vénézuéliens à "assumer les résultats et à travailler désormais ensemble".

Chavez a gagné, avalisé par 58% des votes et une participation électorale record. Et l'opposition a perdu. Ce que beaucoup se plaisent à qualifier de "gifle électorale" lui fait vivre son second pire moment, le premier étant le putsch antichaviste avorté d'avril 2002 et l'échec, alors, de Pedro Carmona, l'ex-patron des patrons.

Après la défaite de dimanche, il faudra probablement beaucoup de temps à l'opposition pour se consolider ou, pire encore, pour seulement se maintenir. Si la Coordination démocratique qui chapeaute cette opposition multiple n'a pas été capable, dans ses meilleurs moments, de dégager une figure suffisamment représentative pour agglutiner autour d'elle ceux qui n'approuvaient pas Chavez, il lui sera difficile d'y parvenir à court et moyen terme après cette nouvelle gorgée amère.

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C'est peut-être ici que se situe -et que se situait en 2002- l'erreur de l'opposition: avoir cru qu'un groupe sans forte personnalité représentative pourrait vaincre un leader tel que Chavez, avec son magnétisme et son populisme d'un poids difficile à contrebalancer.

Le Venezuela reste divisé et le restera longtemps. Et les haines politiques se feront sentir, prenant en otages -comme toujours- les citoyens. Ceux-là mêmes qu'ont charriés l'un ou l'autre camp en d'interminables marches pour le OUI ou pour le NON. Si on continue à les soumettre à ces disputes, ils cesseront de croire en ce qui existe et se mettront à parier et à créer ou faire revivre des forces politiques qui les représenteraient plus sainement.

Il est difficile que le résultat du référendum modifie le pouvoir ou l'opposition. Difficile que les deux camps aient l'humilité de s'asseoir pour négocier une issue moins dévastatrice. "La politique est l'art du possible" disait en France le bouillant Gambetta lorsqu'il s'érigeait en penseur. Mais ici, il ne s'agit ni de la France ni de penseurs. Et l'impact négatif de la guérilla politique sur le pays et sur la qualité de vie des Vénézuéliens marque profondément les esprits.

Il ne faut faire des pronostics qu'avec prudence:

  • A propos du projet chaviste, après son triomphe éclatant au référendum, on peut penser que le gouvernement maintiendra son style et son cap populistes, peut-être même en les accentuant, retardant encore la récupération économique et la baisse réelle de la pauvreté et du chômage.


  • Sur le plan international, le plus contrarié par le résultat du référendum est probablement le président colombien Alvaro Uribe. Son projet de gouvernement, axé notamment sur la lutte contre la guérilla d'extrême gauche avec l'aide militaire américaine, se distancie beaucoup du projet vénézuélien et les relations entre ces deux voisins que sont la Colombie et le Venezuela se lézardent depuis quelque temps.


  • Quant aux Etats-Unis, s'il est évident qu'ils ne voient pas d'un bon oeil le triomphe de Chavez, il n'empêche que ce dernier offre à Washington un approvisionnement pétrolier stable, couvrant de 12 à 15% des achats américains de brut. Aussi, pour l'instant, à Washington, le résultat du référendum n'empêche de dormir ni les républicains ni les démocrates.


  • En Amérique du Sud, plusieurs dirigeants et candidats au pouvoir se réjouissent probablement de la victoire du projet national-populiste de Hugo Chavez. L'Argentin Nestor Kirchner, l'Uruguayen Tabare Vazquez, le Bolivien Evo Morales et le Brésilien Lula (lui, pour d'autres raisons) penseront que s'accentue sur le continent un supposé virage global à gauche, précisément encore très supposé.


  • Hugo Chavez fit beaucoup de bonnes choses. Notamment, sans imaginer que cela lui donnerait pareilles sueurs, il inséra dans la Constitution la clause permettant de soumettre le chef de l'Etat à un référendum révocatoire. Il a ouvert ainsi pour la démocratie représentative une possibilité non explorée en Amérique latine, sauf dimanche au Venezuela.

    En bon leader populiste, il a aussi doté de voix les classes humbles marginalisées et exclues pendant des décades dans un Venezuela oligarchique qui oscillait entre gouvernements imposés et démocraties corrompues.

    Mais Chavez s'est aussi trompé plusieurs fois de chemin. Principalement, peut-être, en se laissant emporter par une attitude de confrontation manquant d'humilité et l'empêchant de jeter des ponts pour communiquer avec ceux qui ont une autre idéologie. Cela vient de la faire vaciller une seconde fois -le putsch avorté de 2002 fut la première alerte- et en dépit de son nouveau triomphe, cette attitude restera pour Chavez un péril latent.

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