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Priant en contrepartie le Pérou et la Colombie de suspendre leurs traités de libre-échange avec les Etats-Unis
Evo Morales appelle Chavez à maintenir le Venezuela dans la Communauté andine (CAN)

Evo Morales (à gauche) et Hugo Chavez
Archives - Photo Guillermo Arias - Prensa Presidencial (Venezuela)
LA PAZ, mardi 25 avril 2006 (LatinReporters.com) - Evo Morales, président de la Bolivie, a appelé son homologue du Venezuela, Hugo Chavez, à revenir sur sa décision de retirer son pays de la Communauté andine de nations (CAN), qui englobe aussi l'Equateur, la Colombie et le Pérou. M. Morales a prié en contrepartie Bogota et Lima de suspendre leurs traités de libre-échange avec Washington.

Dans l'attente d'une ratification parlementaire, ces traités ne sont toutefois pas encore en vigueur.

Révélant sa double démarche lundi à La Paz devant la presse étrangère, Evo Morales a indiqué qu'elle a pour "seul objectif" de sauver l'existence de la CAN. Il croit que celle-ci "doit être la base centrale dans la quête d'une nation sud-américaine".

L'annonce du départ du Venezuela faite le 19 avril par Hugo Chavez et confirmée ensuite par lettre reçue au siège de la Communauté andine, à Lima, a plongé dans la crise ce bloc politico-commercial de cinq pays comptant 120 millions d'habitants et couvrant le tiers du commerce sud-américain.

Privilégiant désormais l'adhésion progressive du Venezuela au Mercosur (marché commun créé par le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay), le président Chavez estime que la CAN "est morte", "tuée" par les accords de libre-échange signés cette année avec les Etats-Unis par la Colombie (le 27 février) et par le Pérou (le 12 avril). Le leader vénézuélien qualifie ces accords "d'ALCAcitas" (petites ALCAs) ouvrant l'Amérique du Sud aux produits nord-américains, au détriment de l'industrie et de l'agriculture locales.

L'ALCA -Area de Libre Comercio de las Americas- est l'appellation espagnole de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), que le président George Bush souhaitait étendre dès 2005 de l'Alaska à la Terre de Feu. L'opposition menée principalement par le Venezuela, l'Argentine et le Brésil - qui donnent la priorité à l'intégration politique et économique de l'Amérique du Sud- a contraint Washington à diviser son projet global en divers accords de libre-échange.

Chili, Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua, République dominicaine, Colombie et Pérou ont conclu de tels accords avec l'administration Bush. En outre, depuis janvier 1994, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) lie le Mexique aux Etats-Unis et au Canada.

Evo Morales a dit aux correspondants de la presse internationale que son "compagnon et frère" Hugo Chavez a raison de critiquer la situation actuelle, car les traités de libre-échange de la Colombie et du Pérou avec les Etats-Unis "sont en train de détruire" la Communauté andine.

Devant succéder en juin à Hugo Chavez à la présidence du bloc andin, Evo Morales ne veut pas qu'on lui transmette une CAN "morte". Il réclame "une réunion d'urgence" des responsables des cinq pays membres afin d'analyser la situation en fonction des récents traités commerciaux décriés.

Reprochant aux présidents colombien, Alvaro Uribe, et péruvien, Alejandro Toledo, "d'ignorer la lutte de leurs peuples", Evo Morales espère qu'ils suspendront leurs accords de libre commerce avec les Etats-Unis. Quant au même type d'accord que l'Equateur tente de finaliser avec Washington, le président Morales affirme que son retard actuel s'explique par la résistance du mouvement indigène équatorien.

Chef d'Etat sortant du Pérou, Alejandro Toledo, un métis qui n'a pas comblé les espoirs mis en lui par les autochtones, est particulièrement critiqué par Evo Morales pour avoir signé avec Washington entre les deux tours de l'actuelle élection présidentielle péruvienne, sans attendre la formation du prochain gouvernement. "Toledo a trahi non seulement le mouvement indigène du Pérou, mais aussi celui de toute l'Amérique latine" assène l'Amérindien Morales.

Le président bolivien a par ailleurs envoyé à l'Union européenne, à laquelle la CAN souhaite s'associer, une lettre sollicitant patience et compréhension face à la crise andine. Il a précisé que la Bolivie serait présente, les 12 et 13 mai à Vienne, au IVe Sommet Union européenne-Amérique latine et Caraïbes. La présence du Venezuela avait aussi été confirmée la semaine dernière par Hugo Chavez.

Les observateurs notent que, tant au Pérou qu'en Colombie, les accords de libre-échange qui ont déclenché la crise andine doivent encore subir l'épreuve de la ratification parlementaire. Les suspendre, comme le demande Evo Morales, et plus encore les accuser, comme le fait Hugo Chavez, d'avoir "tué" la Communauté andine est peut-être prématuré, ces accords n'étant donc pas encore en vigueur. (MM. Morales et Chavez tentent-ils en en fait de créer un climat qui compliquerait leur ratification?)

Si l'aval parlementaire est probable en Colombie, rien n'est moins sûr au Pérou, malgré la volonté d'Alejandro Toledo de forcer la ratification avant sa sortie, le 28 juillet, du palais présidentiel. Parmi ses deux successeurs possibles, le nationaliste Ollanta Humala, proche d'Hugo Chavez et d'Evo Morales, mettrait vraisemblablement l'accord de libre-échange au frigo. Quant à son rival social-démocrate, Alan Garcia, il n'en prônerait la ratification qu'après "étude en profondeur" dit le programme de son parti, l'APRA (Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine, membre de l'Internationale socialiste).




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