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La répression policière en a fait un événement politique majeur
Bolivie: la marche indienne sur La Paz reprend. Evo Morales défié
 

   

 
LA PAZ, dimanche 2 octobre 2011 (LatinReporters.com) - Défiant le président Evo Morales, un millier d'Indiens amazoniens de la réserve écologique du Tipnis ont repris en Bolivie, samedi 1er octobre, leur marche sur La Paz pour réclamer l'annulation d'un projet de route traversant leur territoire. Six jours plus tôt, des centaines de policiers les avaient dispersés violemment, soulevant une indignation nationale qui a fait de cette marche un événement politique majeur.

Un millier d'Indiens de l'Amazonie bolivienne ont repris le 1er octobre 2011 leur marche sur La Paz contre un projet de route. (Photo lostiempos.com / efe)

Les marcheurs sont repartis de Quiquibey, à plus de 200 km au nord-est de La Paz, a annoncé Fernando Vargas, président du Territoire indigène et Parc national Isiboro Secure (Tipnis) menacé par la route contestée. La marche est d'ores et déjà dans le département de La Paz, a souligné un autre leader autochtone, Rafael Quispe.

Ce dernier a estimé que le cortège devrait progresser de 20 à 25 kilomètres par jour et il a répété que les indigènes exigent l'abandon du projet de route, alors que le président Morales, forcé par les événements dramatiques, ne vient d'accepter que sa suspension, le temps de consulter les départements concernés, ceux de Cochabamba et Beni.

Projet routier sur la terre ancestrale de 50.000 Indiens

Longue de 300 km, la route couperait en deux la réserve écologique du Tipnis. Cette terre ancestrale de 50.000 Indiens de l'Amazonie bolivienne s'étend sur un million d'hectares. Financé quasi totalement par le Brésil voisin, l'axe contesté faciliterait en principe les liaisons sur trois fronts simultanés : entre les départements boliviens, entre la Bolivie et le Brésil et entre ce géant sud-américain et les ports péruviens sur le Pacifique.

Mais, outre l'impact écologique sur leur parc, les autochtones du Tipnis disent redouter que le président bolivien ne facilite, avec la nouvelle route, la colonisation de leur territoire par des cultivateurs de coca, matière première de la cocaïne. Soucieux de conserver une assise syndicale très particulière qui fut l'un de ses tremplins politiques, Evo Morales est aujourd'hui encore le principal dirigeant des cocaleros de la région du Chapare, voisine du Tipnis. Il leur a promis de nouvelles terres, alors que la surface des plantations de coca est déjà deux fois et demie celle autorisée par la loi bolivienne pour couvrir l'usage traditionnel des feuilles de coca, dont leur masticage.

Autre grief des indigènes du Tipnis: ils n'ont pas été consultés sur le projet routier, ce qui contredit les droits des "nations et peuples indigènes originaires" protégés en principe par la Constitution de l'Etat "plurinational" et "interculturel" qu'est officiellement la Bolivie du socialiste radical Evo Morales, premier président amérindien du pays.

Devant la négative du président Morales de reconsidérer le tracé routier, quelques 1.500 indigènes -hommes, femmes et enfants- avaient entamé le 15 août une lente et longue marche de plus de 600 km vers La Paz. La marche en était à mi-parcours et à son 41ème jour, lorsque quelque 500 policiers attaquèrent le 25 septembre les protestataires sur le territoire municipal de Yucumo, soulevant une vague d'indignation dans le pays.

Les Nations unies rappellent "l'importance du respect des droits des peuples indigènes"

Deux ministres, ceux de la Défense et de l'Intérieur, et un vice-ministre ont démissionné. Une dizaine de parlementaires du MAS (Mouvement vers le socialisme), le parti gouvernemental, ont envisagé de ne plus suivre les consignes présidentielles. La majorité stratégique des deux tiers dont jouit le président Morales à l'Assemblée législative plurinationale pourrait s'en trouver menacée. Evo Morales lui-même a demandé pardon pour une répression qu'il dit n'avoir pas autorisée et il a annoncé la suspension du projet routier le temps de la consultation des deux départements concernés.

A l'appel notamment de la Centrale ouvrière bolivienne (COB), principale organisation syndicale du pays, des dizaines de milliers de travailleurs ont observé une grève générale et manifesté le 28 septembre dans les grandes villes (La Paz, El Alto, Santa Cruz, Cochabamba, etc.) pour protester contre la répression violente de la marche indienne. "Tipnis, la Bolivie te défend !", "Evo fasciste", "Evo laquais des entreprises brésiliennes" (maîtres d'oeuvre de la route) clamaient slogans et banderoles à La Paz.

Un fumet de rébellion latente émane de secteurs de base de la police. Outrés par la menace de sanctions pour avoir dispersé les marcheurs du Tipnis en obéissant à des ordres dont aucune autorité politique ni policière ne veut assumer la paternité, des policiers proposent en effet aujourd'hui aux marcheurs de les accompagner ... pour les protéger ! Les protestataires indigènes ont refusé.

Même le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a déploré dans un communiqué la violence policière et souligné "l'importance du respect des droits des peuples indigènes", notamment leur droit d'être consultés avant l'adoption de mesures ou de projets les affectant. Le même communiqué indique que le bilan de l'attaque policière contre les marcheurs du Tipnis fut de plus de cent blessés et de quelque 200 détenus, "qui retrouvèrent la liberté 17 heures plus tard" [arrachés, pour la plupart, des mains de la police par des populations locales; ndlr]. Contrairement à de précédentes déclarations, des leaders indigènes ont précisé que ces événements n'ont fait aucun mort.

Dénoncé en justice, Evo Morales repart à l'offensive

Face à la détermination des marcheurs, le président Morales est reparti à l'offensive en leur attribuant à nouveau des intentions politiques. Alors qu'il les avait présentés plusieurs fois le mois dernier comme manipulés par les Etats-Unis, Evo Morales prétend désormais que les protestataires du Tipnis veulent faire échouer l'élection au suffrage universel, le 16 octobre, des principaux magistrats du pays, dont ceux du Tribunal suprême et du Tribunal constitutionnel.

Selon un sondage du quotidien El Dia, 92% des Boliviens ne connaîtraient quasi aucun des candidats à ce nouveau type d'élections. L'opposition prône le vote blanc ou nul. Elle attribue à Evo Morales une volonté de dominer totalement la justice en proposant aux électeurs des magistrats inféodés à la majorité parlementaire gouvernementale.

Pareille mainmise officielle sur les tribunaux est apparemment encore incomplète. Selon le député Tomas Monasterio, du parti Plan Progreso Bolivia-Convergencia Nacional (droite), le procureur général aurait en effet admis, vendredi à Sucre (capitale constitutionnelle de la Bolivie), une plainte déposée par plusieurs parlementaires d'opposition contre le président Evo Morales pour graves violations des droits de l'homme perpétrées par sa police contre les marcheurs indigènes. Le procureur général dispose d'un délai de 30 jours pour réunir ou non des preuves pouvant déboucher sur l'inculpation du chef de l'Etat.

La plupart des observateurs jugent improbable l'ouverture de poursuites contre le président Morales. Son auréole d'indigéniste et d'écologiste, ainsi que son prestige politique ont néanmoins fortement pâli. Il tentera de les redorer en faisant descendre en masse le 12 octobre sur La Paz ses partisans amérindiens de l'Altiplano et ses cocaleros du Chapare. L'arrivée des marcheurs du Tipnis est prévue pour la même date dans la capitale politique. Ambiance...

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