Migrants subsahariens refoulés par l'Espagne et déportés dans le désert par le Maroc (octobre 2005) - © MSF

par Christian Galloy
Analyste politique,
directeur de LatinReporters.com

MADRID, dimanche 6 novembre 2005 (LatinReporters.com) - Images quotidiennes de banlieues françaises en flammes. Commentaire sur Telecinco, leader d'audience des télévisions espagnoles: "Paris brûle. Voilà le drame d'une immigration confinée dans la misère. Plût au ciel que nous puissions éviter cela en Espagne. Pour nous, il est encore temps"...

Désormais nº1 européen de l'immigration, absorbant depuis 2003 plus de 500.000 nouveaux immigrés par an, la plupart Marocains et Latino-Américains, l'Espagne jouit actuellement de son miracle économique pour accueillir ses hôtes étrangers sans problème global. Les drames de migrants subsahariens morts sur les barbelés de Ceuta et Melilla, déportés dans le désert du Sahara ou noyés dans l'Atlantique et la Méditerranée sonnent néanmoins une première alarme.

Que ce soient la 2e et même la 3e génération d'immigrés, essentiellement maghrébins, qui secouent aujourd'hui la France est le fait marquant qui permet aux Espagnols d'espérer qu'ils pourraient réagir à temps pour éviter de tels heurts. A Madrid, Barcelone, Malaga et Séville, la première descendance de l'immigration marocaine sort en effet à peine du berceau.

Madrid observe donc Paris afin de ne pas commettre les mêmes erreurs. Afin aussi de copier une solution si elle surgissait par miracle dans l'Hexagone.

"L'un des problèmes est de savoir de quoi on parle en analysant les nuits françaises illuminées au cocktail Molotov" notent ceux des journalistes madrilènes qui s'aventurent, pour l'instant en privé, à bousculer le politiquement correct.

"Explosion sociale, oui, mais mêlée de tactiques d'Intifada, voire de djihad, avec des commandos d'adolescents maghrébins" prétendent les mêmes journalistes. ("Chaque nuit, nous faisons un Bagdad" disent de jeunes émeutiers dans un article daté de Paris publié par le journal centriste madrilène El Mundo).

"Pourtant, estiment nos interlocuteurs espagnols, la France est ou était la plus grande vitrine européenne du multiculturalisme et de ladite amitié euro-arabe". Et de se demander "pourquoi les millions d'immigrés espagnols, portugais, italiens, polonais, grecs, etc. débarqués en France au 20e siècle se sont-ils, eux et leur descendance, intégrés sans bousculer une société au sein de laquelle ils sont aujourd'hui des Français de la majorité silencieuse? Une intégration harmonieuse dépendrait-elle du type d'immigration et se poser la question serait-il un délit?"

Fin novembre, le président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, inaugurera dans l'archipel des Baléares, avec l'aval des Nations unies, le premier round de son "Alliance des civilisations" occidentale et musulmane. C'est la très généreuse réponse institutionnelle de Madrid au djihad islamique, qui a fait 191 morts et près de 2.000 blessés le 11 mars 2004 dans la capitale espagnole.

Le débat aux Baléares sera-t-il enrichi par la réponse de MM. Chirac, Villepin et Sarkozy à l'explosion des banlieues françaises?