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Election présidentielle
Le Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN

SAN SALVADOR, lundi 16 mars 2009 (LatinReporters.com) - Le Salvador, plus petit Etat d'Amérique centrale, a viré à gauche après 20 ans de domination de la droite ultralibérale pro-américaine incarnée par l'ARENA (Alliance républicaine nationaliste). Récoltant les fruits d'une modération réelle ou tactique, l'ex-journaliste Mauricio Funes, candidat de l'ancienne guérilla d'extrême gauche du FMLN (Front Farabundo Marti pour la libération nationale), a remporté l'élection présidentielle du 15 mars avec plus de 51% des suffrages. Son unique adversaire, le candidat de l'ARENA, l'ex-directeur de la police nationale Rodrigo Avila, a reconnu sa défaite.

Costume sobre du président élu Mauricio Funes (à gauche) et chemise rouge de son vice-président, Salvador Sanchez Ceren: gauche modérée ou radicale pour gouverner le Salvador? (Photo Diario Co Latino - Arturo Silva)
Deux mois après l'entrée à la Maison blanche de Barack Obama, ce revirement historique est la dernière vague de la marée de gauche qui déferle depuis dix ans sur l'Amérique latine. Désormais, parmi les pays latino-américains, seuls le Mexique et la Colombie ne sont pas dominés par une gauche radicale ou modérée.

[NDLR - Même si on les range parfois dans le camp conservateur, les présidents du Pérou, Alan Garcia, et du Costa Rica, Oscar Arias, n'en demeurent pas moins des personnalités de l'Internationale socialiste. Quant au président du Honduras, Manuel Zelaya, quoiqu'élu en 2005 comme candidat du Parti Libéral, il signait en août 2008 l'adhésion de son pays à l'ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques), organisation politico-économique de la gauche radicale à laquelle appartiennent Cuba, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua et la Dominique.]

Cette réalité dominera le Ve Sommet des Amériques. Du 17 au 19 avril à Trinité-et-Tobago, Barack Obama et sa secrétaire d'Etat Hillary Clinton y seront pour la première fois confrontés à la quasi totalité de leurs pairs du continent (Cuba est l'unique exclue du sommet) inquiets de la crise financière, économique et sociale exportée par les Etats-Unis.

Plus de 4,2 millions des 6,8 millions de Salvadoriens étaient convoqués au urnes. La participation au scrutin a été proche de 60%. Après dépouillement de 90,68% des bulletins de vote, le Tribunal suprême électoral du Salvador attribuait 51,27% des voix à Mauricio Funes contre 48,73% à Rodrigo Avila.

Dans un communiqué diffusé par le ministère des Relations extérieures du Venezuela, le président Hugo Chavez applaudissait aussitôt une "victoire qui consolide le courant historique levé dans toute l'Amérique latine et les Caraïbes en cette première décennie du 21e siècle". Félicitant Mauricio Funes, le chef de l'Etat vénézuélien affirme que "l'union de nos peuples est l'unique chemin pour surmonter la crise venue du coeur du capitalisme du Nord".

Hugo Chavez croit que "la conscience majoritaire du peuple salvadorien a pulvérisé les campagnes d'infamie de la droite internationale". Au cours de la campagne électorale, l'ARENA, appuyée implicitement de Washington par des congressistes républicains américains, prétendait que le FMLN "vendrait la patrie" en rejoignant le camp de la gauche radicale au pouvoir au Venezuela, à Cuba, au Nicaragua, en Equateur et en Bolivie.

Critiquée par des médias internationaux et par la mission d'observation électorale de l'Union européenne, cette "campagne de la peur" était néanmoins crédibilisée par l'appui économique vénézuélien aux mairies salvadoriennes contrôlées par le FMLN, par la présence régulière et publique de dirigeants de l'ex-guérilla salvadorienne aux côtés de Hugo Chavez lors de manifestations à Caracas, par l'inclusion explicite du Salvador dans la "grande patrie socialiste" souvent invoquée par le président Chavez dans ses discours, ainsi que par les liens discrets mais avérés du FMLN avec la guérilla marxiste colombienne des FARC, dont Hugo Chavez réclamait en janvier 2008 la reconnaissance internationale.

Dans ces circonstances, les observateurs attendaient avec intérêt les premières déclarations en qualité de vainqueur de Mauricio Funes, qui sera investi à la présidence le 1er juin pour un mandat non renouvelable de cinq ans.

Cet ex-journaliste vedette de la télévision, âgé de 49 ans, a annoncé "une politique extérieure indépendante, basée sur la protection et le développement des intérêts nationaux". Il a toutefois ajouté que "l'intégration de l'Amérique centrale et le renforcement des relations avec les Etats-Unis seront des aspects prioritaires de notre agenda de politique extérieure".

Sur le plan intérieur, Mauricio Funes s'est dit "animé par l'esprit d'unité nationale", loin de "la confrontation et du revanchisme" et dans "le respect et l'écoute" des adversaires, en particulier de l'ARENA. "Le régime économique établi par la Constitution de la République, la propriété privée et la sécurité juridique jouiront du plus grand respect" a-t-il promis, annonçant aussi son ambition de faire de l'économie salvadorienne la plus dynamique d'Amérique centrale.

La modération apparente de Mauricio Funes est-elle assumée par le FMLN?

Le président élu veut donc maintenir l'apparente modération, réelle ou tactique, qui a attiré les électeurs indécis et mêmes d'anciens sympathisants de l'ARENA. Au cours de sa campagne électorale facilitée par la popularité acquise sur les petits écrans, l'ex-journaliste s'était efforcé de gommer l'image communiste du FMLN, auquel il s'est allié voici moins de deux ans. Dans une interview publiée le 13 janvier à San Salvador par El Mundo, Mauricio Funes affirmait qu'il ne cherchera pas à construire le socialisme, lui préférant "l'économie sociale de marché", qu'il ne s'inféodera pas à Hugo Chavez et qu'il conservera d'excellentes relations avec les Etats-Unis. Il ne remettrait même pas en question l'usage par l'US Air Force de la base salvadorienne de Comalapa pour combattre le trafic régional de stupéfiants.

Ponctué du slogan "Le changement au Salvador pour vivre mieux", le "Programme de gouvernement 2009-2014" cosigné par le FMLN et Mauricio Funes ignore totalement, au long de ses 106 pages, non seulement le mot "communisme", mais aussi ceux de "socialisme", "nationalisation", "bolivarien", "révolution", "lutte des classes", etc.

Comme n'importe quel candidat présidentiel latino-américain, de gauche ou de droite, Mauricio Funes promettait au cours de la campagne de lutter contre la pauvreté, la corruption, l'inflation et la délinquance, d'améliorer les services de santé et d'éducation, de respecter l'écologie et les droits fondamentaux. Face à la crise financière mondiale, il offrait sa collaboration aux institutions monétaires internationales vilipendées au Venezuela et dans d'autres pays de la région gouvernés par la gauche radicale.

Ce visage de modération conféré au FMLN par Mauricio Funes ne convainc pas tous les observateurs. D'autant que, vêtu de rouge au soir de la victoire, le vice-président élu sur le "ticket" de l'ex-journaliste est Salvador Sanchez Ceren, l'un des leaders historiques du FPL (Forces populaires de libération), force insurgée d'obédience communiste qui fut la plus importante au sein de la guérilla du FMLN lors de la guerre civile. De 1980 à 1992, ce conflit gagné par la droite avec l'aide de Washington fit 75.000 morts. La signature de la paix permit la légalisation du FMLN et sa mutation en parti politique.

Dans une déclaration publiée par le quotidien français Le Monde daté du 14 mars dernier, Salvador Samayoa, ancien dirigeant de la guérilla, anticipait des difficultés entre le FMLN et Mauricio Funes, qui n'a jamais appartenu à un parti politique. "Ils ne se connaissaient pas vraiment quand Mauricio a été choisi [en 2007 comme candidat à la présidence] et plus ils se connaissent, moins ils s'aiment. Je n'imagine pas le FMLN au pouvoir sans une relation forte et très étroite avec Cuba, le Venezuela et le Nicaragua", affirmait Salvador Samayoa.

Le FMLN pro-Chavez et Mauricio Funes, qui préfère se référer au président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, ne cherchaient-ils qu'à se servir mutuellement l'un de l'autre? Qui de l'ex-guérilla ou du président élu gouvernera réellement le Salvador? Tant l'une que l'autre devront composer avec la majorité absolue parlementaire de 48 députés sur 84 obtenue aux législatives du 18 janvier dernier par les trois partis de la droite salvadorienne, l'ARENA, le Parti de conciliation nationale et le Parti démocrate-chrétien. Ces deux derniers renoncèrent à présenter un candidat à la présidence afin de favoriser une victoire de Rodrigo Avila, vaincu néanmoins, mais sur le fil, par Mauricio Funes.


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"C'EST MAINTENANT
LE TOUR
DE L'OFFENSÉ"
(Mauricio Funes)


SAN SALVADOR, lundi 16 mars 2009 (LatinReporters) - "C'est maintenant le tour de l'offensé, l'opportunité des exclus, des marginalisés; c'est maintenant l'opportunité des démocrates authentiques" s'est exclamé, lors des premières minutes du lundi 16 mars, l'ex-journaliste Mauricio Funes devant des milliers de sympathisants vêtus de rouge qui fêtaient à San Salvador sa victoire à l'élection présidentielle de dimanche.

Devant la foule concentrée sur l'aristocratique boulevard General Escalon, à l'ouest de la capitale salvadorienne, le président élu sous les couleurs de l'ancienne guérilla de gauche du FMLN (Front Farabundo Marti pour la libération nationale) après 20 ans de pouvoir monopolisé par l'ARENA (Alliance républicaine nationaliste, droite) a semblé se départir partiellement de la modération qui caractérisa sa campagne électorale et ses premières déclarations après l'annonce de sa victoire (voir article ci-contre).

Gouverner comme le voulait Mgr Romero

Soulevant l'émotion, Mauricio Funes a dédié son élection à la présidence "à un saint qui illumina le peuple salvadorien, notre évêque martyr Oscar Arnulfo Romero", sous l'inspiration duquel il prétend gouverner.

Mgr Romero, dont le Vatican étudie la béatification, fut assassiné le 24 mars 1980 par un commando d'extrême droite sur ordre supposé du major Roberto d'Aubuisson, fondateur de l'ARENA.

"Je gouvernerai comme Mgr Romero voulait que gouvernent les hommes de son époque" a promis Mauricio Funes, soulignant que le prélat assassiné demandait aux dirigeants politiques d'écouter "la clameur de justice du peuple salvadorien".

Le président élu a indiqué que ses "armes" principales seront la Constitution et la Bible car, selon lui, on ne peut gouverner sans "l'inspiration de notre Seigneur Jésus".

"Je gouvernerai avec l'appui des Salvadoriens, y compris ceux qui n'ont pas voté pour moi, qui n'ont pas voté pour le FMLN, car je suis le président de tous les Salvadoriens" a néanmoins ajouté Mauricio Funes, retrouvant sur ce point les accents de modération qui ont attiré vers lui nombre d'électeurs indécis et même d'anciens partisans de l'ARENA.
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