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Brésil : l'adieu (vraiment?) de Lula à la gauche fait des vagues

Le président brésilien Lula : gauche et cheveux blancs incompatibles?
Photo Ricardo Stuckert
SAO PAULO, vendredi 15 décembre 2006 (LatinReporters.com) - "Si un adulte est de gauche, c'est parce qu'il a des problèmes. Si un jeune est de droite, c'est parce qu'il a aussi des problèmes... Moi, j'ai viré vers la social-démocratie. Quand on a 61 ans, on atteint l'équilibre". Moins de deux mois après sa réélection à la présidence du Brésil, cette sorte d'adieu de Lula à la gauche fait des vagues.

Ancien syndicaliste et ouvrier métallurgiste, fondateur du Parti des travailleurs (PT), le plus grand parti de gauche d'Amérique latine, et réélu pour quatre ans à la magistrature suprême le 29 octobre dernier en se présentant comme le "candidat des pauvres", Luiz Inacio Lula da Silva jugerait donc incompatibles gauche et cheveux blancs lorsqu'on est doté de raison... Une musique céleste pour les chefs d'entreprise qui applaudissaient le président, le 11 décembre dernier dans un hôtel de Sao Paulo, lors de la remise des prix aux "Brésiliens de l'année", dont Lula, désignés par la revue Istoé.

Préférant se définir comme syndicaliste, Lula n'a jamais trop apprécié les étiquettes politiques. Néanmoins, il était devenu une icône mondiale de la gauche altermondialiste après son élection à la présidence du Brésil en 2002, année du premier grand triomphe de son PT, parti longtemps considéré comme "révolutionnaire".

A Sao Paulo, Lula amusa beaucoup son auditoire d'industriels, de banquiers et d'intellectuels en appliquant le darwinisme à la politique. "C'est, disait-il, l'évolution de l'espèce humaine. Celui qui est de gauche devient plus centriste, plus social-démocrate et moins de gauche. Et cela dépend de la quantité de cheveux blancs."

Exemple pratique cité par Lula pour illustrer sa théorie évolutionniste: "J'ai critiqué pendant tant d'années l'ex-ministre Delfim Neto [en charge de l'Economie pendant la dictature militaire, 1964-1985; ndlr] et aujourd'hui, il est mon grand ami".

Immédiate, la tempête de réactions ne s'apaise pas.

"Les déclarations du chef de l'Etat renforcent l'opinion selon laquelle son gouvernement est de droite" s'est exclamé Cristovam Buarque. Dissident du PT auquel il reproche son "embourgeoisement", ex-ministre de l'Education de Lula et candidat au premier tour de l'élection présidentielle d'octobre dernier, Cristovam Buarque avait contribué à la mise en ballottage de Lula, contraint de disputer un second tour contre Geraldo Alckmin, candidat de l'aile conservatrice du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB).

"J'ai 73 ans et je suis toujours de gauche. Ce qu'a dit Lula est lamentable" enrage pour sa part le sociologue Francisco de Oliveira, dirigeant du Parti socialisme et liberté (PSOL). Ce parti avait lui aussi empêché Lula d'être réélu dès le premier tour de la présidentielle en présentant la candidature de la sénatrice Heloisa Helena, autre dissidente du PT. Cristovam Buarque et Heloisa Helena avaient récolté un total de 9,49% des suffrages.

"J'attendais autre chose de Lula" grogne Markus Sokol, qui appartient pourtant au directoire du PT présidentiel. Sa réaction reflète les doutes des secteurs les plus revendicatifs du parti et de diverses gauches qui avaient appuyé la réélection de Lula dans l'espoir d'un retour aux principes originels du PT. Trente-quatre représentants d'organisations dites progressistes se sont réunis le 13 décembre avec le chef de l'Etat pour le prier de mener une politique "réellement de gauche".

"Le président a été élu par une base de gauche et il sait que les mouvements sociaux ont un pouvoir de mobilisation et peuvent faire face au capital financier" prévient Joao Paulo Rodrigues, porte-parole du Mouvement des sans terre (MST).

Lula se succédera officiellement à lui-même le 1er janvier 2007. Des analystes brésiliens estiment que ses propos sur son virage au centre visent à placer son second mandat sous le signe d'une confiance accrue des marchés et des investisseurs.

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