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20 millions de dollars pour "retourner" deux chefs locaux des FARC?
Colombie-Betancourt libre: vidéo de l'opération "Jaque"; paiement démenti

Photo Ingrid Betancourt
Capture d'image de la vidéo officielle de l'opération "Jaque": dans l'hélicoptère qui emmène les 15 otages, mélange de joie et d'émotion sur le visage d'Ingrid Betancourt au moment précis où elle apprend qu'elle est libérée. Pour lancer la vidéo, cliquer sur l'image.

BOGOTA, samedi 5 juillet 2008 (LatinReporters.com) - Le ministère colombien de la Défense a diffusé vendredi une vidéo de l'opération "Jaque" au cours de laquelle ont été libérés le 2 juillet quinze otages de la guérilla marxiste des FARC, dont Ingrid Betancourt et trois Américains. Cette vidéo est censée appuyer le démenti officiel du paiement d'une récompense de 20 millions de dollars pour retourner deux chefs locaux de la guérilla, qui selon la Radio Suisse Romande (RSR) auraient collaboré à une mise en scène de libération.

La RSR affirmait vendredi que des membres des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) ont touché quelque 20 millions de dollars pour libérer les otages. "Les quinze otages ont en réalité été achetés au prix fort, après quoi toute l'opération a été mise en scène" sous le parrainage des Etats-Unis, a déclaré cette radio publique, citant "une source proche des événements". La somme aurait été versée ou promise à Gerardo Aguilar, alias César, chef du front nº1 des rebelles, et à son lieutenant Alexander Farfan, alias Enrique Gafas, tous deux en charge de la garde des principaux otages de la guérilla. Il s'agirait d'une récompense personnelle pour leur retournement, mais non d'une rançon payée aux FARC.

Le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santos, et le général Freddy Padilla, commandant des forces armées, ont tour à tour démenti la RSR. Tous deux ont affirmé que "pas un seul centime n'a été versé dans cette opération". Le général a ajouté qu'il aurait été préférable que le gardien-chef des otages, "César", accepte des millions de dollars, car cela aurait démontré "la décomposition dans les rangs des FARC".

Interrogé lui aussi par la presse sur les informations de la RSR, l'ambassadeur américain à Bogota, William Brownfield, a également démenti que les Etats-Unis aient versé la moindre rançon ou récompense. "Combien avons-nous donné (...) pour la libération des trois citoyens américains? Zéro. Zéro, rien. Ni un dollar, ni un peso, ni un euro.", a déclaré le diplomate.

La France, qui n'a pas été mise en cause, a également démenti, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Eric Chevallier, avoir payé quoique ce soit.

Ingrid Betancourt elle-même a affirmé ne pas croire à la possibilité d'une mise en scène. "Avec ce que j'ai vu pendant l'opération - et franchement, honnêtement, je ne pense pas que l'on puisse me duper facilement -, je ne pense pas que ce que j'ai vu soit une mise en scène", a dit en France l'ex-otage franco-colombienne citée par l'AFP. "Il y avait des degrés de tension, c'était tellement stressant que nos camarades ont résisté, ils ne voulaient pas monter dans l'hélicoptère", a-t-elle expliqué. "Ils avaient la sensation qu'on était pris dans un piège".

Les médias colombiens rappellent que le président Alvaro Uribe a annoncé maintes fois depuis décembre 2007 l'existence d'un fonds spécial de cent millions de dollars pour récompenser les informateurs qui permettraient la capture ou l'élimination de commandants des FARC. L'annonce présidentielle s'adressait aussi explicitement aux guérilleros qui déserteraient en emmenant avec eux des otages vers la liberté.

Plusieurs millions de dollars ont ainsi déjà été versés après la mort, le 1er mars dernier dans un camp rebelle bombardé au nord de l'Equateur, du nº2 des FARC, Raul Reyes, ainsi qu'après l'exécution, quelques jours plus tard, du commandant des FARC Ivan Rios. Ce dernier fut abattu par son garde du corps, qui présenta la main tranchée de sa victime pour revendiquer la récompense officielle.

"Vous êtes libres, tout est fini"

Baptisée "Jaque" [aux échecs, "jaque mate" signifie "échec et mat"; ndlr], l'opération de libération fut, selon Bogota, menée par un commando des services secrets militaires se faisant passer pour un groupe de volontaires d'une ONG humanitaire mêlés de soi-disant journalistes.

Aux dires du ministre Juan Manuel Santos, les guérilleros croyaient que l'hélicoptère de la fausse ONG devait emmener les 15 séquestrés vers un lieu de détention plus sûr sur ordre présumé d'Alfonso Cano, le nouveau chef des FARC. Des médias colombiens suggèrent que l'expérience acquise dans le cadre de la coopération avec l'espionnage israélien a permis de faire tomber la guérilla dans un piège après une minutieuse localisation des otages facilitée par la technologie et la coopération américaines. L'opération "Jaque" proprement dite aurait toutefois été "100% colombienne" et n'a été exécutée que par des Colombiens tranche le ministre Santos.

Invoquant des raisons de sécurité, les autorités de Bogota n'ont diffusé qu'une version éditée de la vidéo, réduite à un peu moins de 4 minutes, soit le quart de sa durée originale. Le ministre de la Défense estime que ces images prouvent qu'il n'y a pas eu de mise en scène destinée à occulter le versement d'une récompense à des guérilleros achetés.

Dans une première séquence de cette vidéo, les otages traversent une plaine pour rejoindre un hélicoptère blanc, rappelant ceux utilisés lors des précédentes libérations unilatérales d'otages coordonnées par le Comité international de la Croix rouge. Les personnes séquestrées mettent en évidence leurs mains entravées par des tiges de plastique. La caméra montre l'un des chefs des ravisseurs rebelles, le commandant "César", qui refuse d'accorder une interview, et l'Américain Keith Stansell, otage depuis 5 ans, qui déclare au faux caméraman "J'aime ma famille".

Un autre otage, Raimundo Malagon, lieutenant de l'armée colombienne, s'approche de la caméra. Il rappelle qu'il est séquestré depuis dix ans et affirme avoir "quelque chose d'important à transmettre". Le faux journaliste lui répond que, pour des raisons politiques, il ne peut pas transmettre en direct cette déclaration, qui n'est pas reprise dans la vidéo éditée.

La seconde séquence est celle de l'annonce aux otages, assis dans l'hélicoptère en vol, qu'ils sont libres. "Vous êtes libres, tout est fini", crie l'un des membres du commando, s'adressant aux otages qui explosent de joie. La caméra fait alors plusieurs gros plans d'Ingrid Betancourt, dont le visage reflète un mélange de joie et d'émotion intenses. La célèbre Franco-Colombienne apparaît auparavant à diverses reprises dans la vidéo.

Aucune image ne montre comment les deux chefs locaux des FARC chargés de la garde des otages -Gerardo Aguilar, alias César, et Alexander Farfan, alias Enrique Gafas- sont neutralisés dans l'hélicoptère par les forces spéciales. Ils ont été emprisonnés à Bogota.

Qu'ils aient été achetés ou non, l'essentiel, dans l'analyse politique, est que la guérilla des FARC a perdu avec Ingrid Betancourt et les trois Américains les pièces maîtresses du chantage visant à contraindre Bogota à négocier d'égal à égal, visant aussi à inciter l'Union européenne à reconnaître le mouvement rebelle et à le sortir de la liste officielle des organisations terroristes.

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