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La sénatrice pro-Chavez Piedad Cordoba en ligne de mire
Colombie : le scandale de la Farc-politique (liens avec la guérilla) démarre

BOGOTA, vendredi 25 avril 2008 (LatinReporters.com) - Alors que les enquêtes judiciaires sur leurs liens présumés avec les paramilitaires visent le président colombien Alvaro Uribe et 64 sénateurs et députés, dont 33 sont incarcérés, les liens de parlementaires avec la guérilla marxiste des FARC vont à leur tour être examinés par la justice. A Bogota, les médias disent que le scandale de la "Farc-politique" va désormais côtoyer en Colombie celui de la "parapolitique".

Fraternisation, le 11 novembre 2007 à Caracas, entre la sénatrice colombienne Piedad Cordoba, coiffée du béret des FARC, et trois dirigeants de cette guérilla, Rodrigo Granda, Ivan Marquez et Jesus Santrich (de gauche à droite). Photo ABP

Cadavre de Raul Reyes, nº2 des FARC, tué le 1er mars 2008 par l'armée colombienne. Mort, mais non "pulvérisé". Pas plus que ses ordinateurs - Photo Comando del Ejército
La Cour suprême de justice a réclamé le 24 avril au ministère de la Défense les documents contenus dans les ordinateurs de feu Raul Reyes, le nº2 des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) tué le 1er mars dernier dans un raid de l'armée colombienne contre un camp de la guérilla au nord de l'Equateur. Trois ordinateurs portables récupérés lors de l'attaque ont été confiés à Interpol pour authentification, mais des messages qu'ils contiennent continuent à être diffusés.

Des liens politiques et financiers des FARC avec les présidents du Venezuela et de l'Equateur, Hugo Chavez et Rafael Correa, étaient révélés par la publication d'une première partie de ces messages. Ceux diffusés partiellement depuis le 24 avril, notamment par le quotidien El Tiempo et Radio Caracol, qui citent des sources officielles, dévoilent l'alliance entre les FARC et la sénatrice colombienne de gauche Piedad Cordoba. Amie de Hugo Chavez, elle obtint avec lui la libération de six des plus de 700 otages des guérilleros, qui séquestrent notamment Ingrid Betancourt.

D'autres noms ne tarderont pas à surgir. Si la grande majorité, 54 sur 64, des parlementaires impliqués jusqu'à présent dans la parapolitique appartiennent à la coalition conservatrice soutenant le président Uribe, les coupables de Farc-politique devraient logiquement relever surtout, comme Piedad Cordoba, de l'opposition de gauche. Tant les paramilitaires que les FARC sont considérés comme terroristes par la Colombie, les Etats-Unis et les 27 pays de l'Union européenne. Avoir été, voire être encore l'allié des uns ou des autres est nécessairement un délit grave tombant sous le coup de la justice.

Les ordinateurs de Raul Reyes contiennent tant d'informations qu'ils pourraient engendrer un scandale supérieur à celui de la parapolitique déclarait en substance, mercredi 23 avril à la presse, le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santos. Il sortait d'une session réservée de la Chambre des Représentants (députés) lors de laquelle il avertissait que des hommes et des femmes de la vie publique du pays ont eu avec les FARC des relations que détaillent les ordinateurs de Reyes. [NDLR - Le Venezuela, l'Equateur et les FARC se sont étonnés que ces ordinateurs "indestructibles" n'aient pas été "pulvérisés" par les bombes lancées contre le camp de Raul Reyes. Mais l'état du cadavre de ce dernier, entier et identifiable après l'attaque malgré les blessures, suggère que des ordinateurs portables n'aient pas été nécessairement détruits lors du raid de l'armée colombienne].

Mardi 22 avril, la Colombie sursautait lorsque l'ex-sénateur et ex-président du Congrès (Parlement), Mario Uribe, cousin et allié politique du président Alvaro Uribe, était arrêté pour liens présumés avec les paramilitaires après une tentative frustrée d'obtenir à l'ambassade du Costa Rica l'asile politique de ce pays. Et le lendemain, le président Uribe lui-même indiquait qu'un ancien paramilitaire, dans des déclarations à la justice, qui a ouvert une enquête, tente de l'impliquer dans un massacre de 12 paysans commis en 1997.

A propos des liens entre les FARC et Piedad Cordoba révélés par les ordinateurs de Raul Reyes, les assesseurs de la sénatrice colombienne font valoir qu'ils seraient logiques et légitimes, puisque le président Uribe lui-même lui avait confié fin août 2007, ainsi qu'à Hugo Chavez, une mission de médiation avec les FARC visant à la libération d'otages. Mais ce mandat de médiation avait été révoqué par Alvaro Uribe trois mois plus tard, fin novembre 2007, et certains messages Internet des FARC concernant Piedad Cordoba ou rédigés par elle-même sont postérieurs ou surtout antérieurs à sa mission de médiation.

Les FARC voulaient un "gouvernement de transition" dirigé par Piedad Cordoba

Selon Radio Caracol, ces messages font remonter à au moins 2003 une "communication fluide" entre la guérilla marxiste et la sénatrice Cordoba, connue dans le monde des guérilleros sous le surnom de Teodora ou Teodora de Bolivar. Raul Reyes l'appelait aussi "l'amie au turban", en référence à la coiffe qu'elle porte souvent. Le chef rebelle abattu la désignait dans un message comme la candidate idéale pour diriger "un gouvernement de transition" de douze personnes. Hormis celle de Piedad Cordoba, l'identité des membres de ce "gouvernement" colombien que soutiendraient les FARC n'est pas encore révélée.

La sénatrice aurait aussi contribué à la présence politique des FARC lors de congrès dans divers pays, notamment en Equateur en novembre 2003 et au Brésil en août 2004. Selon Raul Reyes, Piedad Cordoba lui aurait dit avoir reçu de Hugo Chavez 50.000 dollars pour des oeuvres sociales dans le département colombien du Choco, assise électorale de la sénatrice.

Dans un message d'octobre 2007 suggérant aux FARC d'envoyer rapidement un interlocuteur à Caracas, Piedad Cordoba, alias Teodora, se réfère au président du Venezuela en l'appelant "mon commandant Chavez". La parlementaire agissait alors comme médiatrice pour la libération d'otages, d'une manière qui amena Raul Reyes à écrire que "le travail réalisé par notre chère sénatrice est simplement extraordinaire".

Un message signé le 11 décembre 2007 par "César", membre supposé de la Commission internationale des FARC au Venezuela, rend compte à Raul Reyes d'une rencontre avec Piedad Cordoba. "César" assure qu'elle "appuie totalement la plate-forme politique des FARC, mais non la lutte armée".

Le Colombie attend maintenant d'autres révélations. Si, comme l'a prédit le ministre de la Défense, le scandale de la parapolitique est bientôt surpassé par celui de la Farc-politique, combien des 268 sénateurs et députés élus en 2006 conserveront-ils leur siège? Avant que ce hara-kiri collectif ne la menace, la gauche colombienne proposait des élections anticipées et/ou la convocation d'une Assemblée constituante pour refondre les institutions.

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