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Le ministre socialiste le plus populaire, José Bono (Défense), démissionne
Espagne - Zapatero - ETA : nouveaux ministres avant de négocier

Pourtant très populaire, José Bono abandonne le portefeuille de la Défense et la politique - Photo NATO
MADRID, samedi 8 avril 2006 (LatinReporters.com) - Premier remaniement, à mi-législature et inattendu, du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero. Dû officiellement à la démission du ministre de la Défense, il touche aussi l'Intérieur et l'Education. Une prochaine négociation avec les terroristes de l'ETA en paraît facilitée, ce qui renforce M. Zapatero. Mais la droite se cabre.

Provincial, un brin fantasque, longtemps président de l'immense Castilla-La Mancha, la terre de Don Quichotte, et depuis le 17 avril 2004 ministre de la Défense, le plus populaire du gouvernement socialiste, José Bono a annoncé vendredi sa décision "d'abandonner la politique au profit de ma famille". Il a précisé: "Le président [du gouvernement] Zapatero avait ma lettre de démission depuis trois mois". Démission ou limogeage? L'avenir le dira peut-être.

M. Bono coordonna en 2004 le retrait des militaires espagnols d'Irak. Une fuite sous les quolibets des troupes alliées, au nom respectable de la paix et du droit, qui fit de José Luis Rodriguez Zapatero une icône anti-Bush.

Mais le patriotisme, le catholicisme et le royalisme de José Bono -trois qualités ou tares coriaces chez un quinquagénaire et rarement cumulées chez un socialiste- vivaient mal la remontée de M. Zapatero aux sources régionalistes et laïques de la Deuxième République.

Alors que le chef du gouvernement propose une "Espagne plurielle" justifiant l'élargissement de l'autonomie de la Catalogne, José Bono croit que "le nationalisme est une nostalgie de la tribu" incompatible avec l'égalité et la solidarité entre Espagnols.

A propos d'une négociation avec les indépendantistes basques de l'ETA, à la faveur de leur "cessez-le-feu permanent" annoncé le 22 mars, le ministre démissionnaire affirmait que la loi et la dignité n'autorisent que la reddition "des terroristes qui ont assassiné près de mille innocents".

Enfin, s'il a fermé les yeux sur la laïcisation de l'enseignement et sur la légalisation du mariage gay et de manipulations génétiques, José Bono n'en retirait aucune motivation. Et il n'apprécie sans doute guère l'entorse à la réconciliation des Espagnols que pourraient constituer les cérémonies officielles annoncées par M. Zapatero pour marquer, dès la semaine prochaine, le 75e anniversaire de l'avènement de la Deuxième République, balayée par Franco lors de la guerre civile de 1936-1939.

Exit donc "Pépé Bono", comme on l'appelle affectueusement. Ses convictions en porte-à-faux au sein du gouvernement importunaient peu l'homme de la rue socialiste et rassuraient les Espagnols de centre droit qui redoutent les excès de la gauche. De là sa popularité, souvent supérieure dans les sondages à celle de José Luis Rodriguez Zapatero.

Le ministère de la Défense -dont dépendent les services secrets espagnols- est confié à un ami d'enfance de M. Zapatero, le juge José Antonio Alonso, lui aussi ministre, mais de l'Intérieur, depuis avril 2004.

Ce portefeuille de l'Intérieur passe aux mains d'Alfredo Perez Rubalcaba, porte-parole du groupe socialiste au Congrès des députés et ex-ministre. On lui prête des liens anciens avec les secteurs pro-socialistes des services de renseignement, même sous le gouvernement conservateur précédent.

Considéré comme l'un des négociateurs dans la coulisse du nouveau statut d'autonomie de la Catalogne et du cessez-le-feu de l'ETA, M. Rubalcaba renforce, au poste clef de l'Intérieur, la garde rapprochée de M. Zapatero dans le "processus de paix" qui s'ouvre au Pays basque et sur lequel le chef du gouvernement jouera sa réélection en 2008.

"On met au commandement du processus [de paix] celui qui le dirigeait dans l'ombre depuis longtemps" commente avec satisfaction le porte-parole parlementaire du Parti Nationaliste Basque, Jose Erkoreka. Comme les nationalistes catalans, il applaudit le remaniement gouvernemental et surtout l'effacement de José Bono.

La droite, elle, se cabre. Son chef, Mariano Rajoy, président du Parti Populaire (PP), note que "le départ d'un ministre [José Bono] qui défendait l'égalité des citoyens et l'unité nationale n'est pas une bonne nouvelle".

Il avertit que la personnalité du nouveau ministre de l'Intérieur ne favorisera pas, dans la cadre du processus de paix avec l'ETA, l'unité entre les grands partis espagnols réclamée tant par M. Zapatero que par l'Union européenne, le Pape Benoît XVI et le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan. "Le Parti Populaire n'a pas confiance en M. Rubalcaba, dont la biographie contient de nombreux points obscurs" précise Mariano Rajoy.

Comme d'autres personnalités du PP, le député Vicente Martinez Pujalte accuse Alfredo Perez Rubalcaba d'avoir notamment été "le paladin de l'utilisation d'un attentat terroriste à des fins partisanes". Il aurait, selon le PP, orchestré une manipulation policière et médiatique de l'opinion publique après les attentats de Madrid du 11 mars 2004 (191 morts et 2.000 blessés victimes de bombes islamistes) afin d'assurer, trois jours plus tard, la victoire des socialistes aux législatives. (Les socialistes rétorquent que la seule manipulation fut alors celle du gouvernement dominé par le PP, qui tenta d'attribuer les attentats à l'ETA).

Le remaniement gouvernemental affecte aussi le portefeuille de l'Education. Il est confié à Mercedes Cabrera Calvo-Sotelo, présidente de la commission d'Education du Congrès des députés. La ministre Maria Jésus San Segundo est ainsi limogée. Sa réforme de l'enseignement primaire et secondaire, qui a fortement divisé la société espagnole, était pourtant définitivement approuvée jeudi au Parlement.

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