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L'Espagne de Zapatero "en arrière dans le tunnel du temps"

Pub électorale de Zapatero en 2004: "Nous méritons une Espagne meilleure"
Photo LatinReporters.com
MADRID, jeudi 19 janvier 2006 (LatinReporters.com) - L'Espagne est crispée. La Catalogne, qui se veut nation, et l'indépendantisme basque monopolisent la une des médias. Avec en sus la renaissance d'un malaise militaire que l'on croyait conjuré depuis 25 ans. Le quotidien El Mundo attribue cette crispation au président du gouvernement, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero.

Journal national de centre droit, El Mundo n'est certes pas pro-socialiste, contrairement à l'autre grand quotidien espagnol, El Pais, dont l'essor multimédia de la société éditrice (Groupe PRISA) est favorisé par le gouvernement. El Mundo n'est pas non plus de droite. A l'inverse de la presse conservatrice, il a applaudi la légalisation, en juin 2005, du mariage gay. Il s'était aussi opposé à l'intervention militaire en Irak décidée par José Maria Aznar, chef du gouvernement de droite auquel ont succédé les socialistes en 2004.

Tout en sachant qu'aucun média espagnol n'est neutre, c'est pour ces raisons et pour la personnalité du directeur d'El Mundo, Pedro J. Ramirez, l'un des rares journalistes à avoir osé mettre à nu, dans les années 1980, le terrorisme parapolicier (28 assassinats) d'un autre gouvernement socialiste contre les indépendantistes basques de l'ETA, que nous jugeons important de publier cette traduction d'un éditorial d'El Mundo pour rendre compte de l'actuel malaise espagnol.



El Mundo - Editorial du jeudi 19 janvier 2006:

L'Espagne de Zapatero, un voyage en arrière dans le tunnel du temps

[Entre crochets figurent des ajouts ou explications de LatinReporters]

Plus d'un quart de siècle après l'approbation par référendum de la Constitution et alors que quasi une même période nous sépare de la démission traumatisante d'Adolfo Suarez [ndlr; ex-président du gouvernement] et de la tentative de putsch du 23-F [23 février 1981], les problèmes que nous croyions résolus pour toujours reviennent au premier plan de notre vie politique.

Nous étions convaincus qu'heureusement tout cela était surmonté. Que jamais notre pays ne devrait subir à nouveau des épreuves aussi difficiles que celles de la Transition [de la dictature franquiste à la démocratie]. Mais nous nous trompions, car les terribles erreurs que commet Zapatero ont ressuscité les vieux démons familiers.

Après le putsch manqué de Tejero, Felipe Gonzalez [premier chef de gouvernement socialiste de l'ère postfranquiste] gouverna l'Espagne avec des succès et des échecs. Le pays fit un grand saut économique et social, mais sa gestion fut marquée par les terribles souillures de la corruption et de la guerre sale [28 assassinats sont attribués au terrorisme parapolicier des GAL contre les séparatistes basques de l'ETA] qui créèrent une situation limite sur le plan de l'éthique. [José Maria] Aznar lui succéda en 1996 et se maintint au pouvoir durant huit années de prospérité. Son appui à l'intervention en Irak fut une grave erreur qu'il paya largement après le traumatisme [des attentats islamistes de Madrid] du 11-M [11 mars 2004]. Mais ni Gonzalez ni Aznar ne remirent jamais en question la nécessité du consensus pour aborder les grandes réformes de l'Etat et ne mirent pas en danger le modèle constitutionnel, ratifié par une ample majorité de citoyens.

Changement vers le pire

Lorsque Zapatero gagna les élections en mars 2004, malgré les terribles attentats de Madrid, la démocratie était consolidée, il n'y avait pas d'affrontements territoriaux ni de graves conflits entre les institutions. L'Espagne était un pays similaire à son environnement européen.

Quasi deux années se sont écoulées et, depuis, la situation a empiré radicalement. Il suffit de jeter un oeil aujourd'hui sur la une de notre journal: agitation parmi les militaires, défi du bras politique de l'ETA à la légalité, négociations tendues et contre la montre sur un nouveau Statut catalan, question linguistique, débat sur le modèle d'Etat, affrontement celtibérique pour quelques liasses de papier historiques [des documents saisis par les franquistes en Catalogne vont être rendus à cette région, malgré l'opposition de la ville de Salamanque, qui centralise les archives de la guerre civile de 1936-1939]... Les problèmes d'aujourd'hui sont très semblables à ceux d'il y a 25 ans, lorsqu'il fallait passer d'une dictature à une démocratie. La différence est que ces conflits étaient alors inévitables, alors qu'aujourd'hui il ont surgi de manière artificielle à cause des erreurs d'un gouvernant.

Le grand paradoxe est que le dirigeant politique [José Luis Rodriguez Zapatero] qui représentait un nouveau talent et promettait d'en finir avec la crispation est en train de créer une situation qui menace la stabilité du système démocratique et la vie en commun des Espagnols.

Zapatero a fait quelques bonnes choses, mais il s'est rendu coupable de frivolité en déposant sa survie politique dans les mains d'un parti indépendantiste tel que ERC [Esquerra Republicana de Catalunya, Gauche républicaine de Catalogne], qui l'a poussé à des concessions au-delà de toute raison. Il y a plus d'un quart de siècle, les partis politiques négociaient aussi un Statut pour la Catalogne. Mais tous y participaient, sans esprit d'exclusion et cherchant à rédiger un texte acceptable pour l'ensemble des Espagnols, y compris les Catalans. Aujourd'hui, les négociations se déroulent comme alors dans le secret et de nuit, mais les membres du gouvernement [catalan] tripartite [coalition de socialistes, d'indépendantistes d'ERC et d'écolos-communistes] se vantent de marginaliser le PP [Parti populaire, opposition conservatrice] et [Pasqual] Maragall [président socialiste du gouvernement régional catalan] et ses alliés sont sur le point d'obtenir que la Catalogne soit définie comme "nation" dans le nouveau Statut.

Malaise dans l'armée

Nous pouvons voir aujourd'hui à la une de notre journal le défi d'un capitaine de la Légion, qui se révolte contre le gouvernement. Son mélange de simplifications et de menaces mérite une sanction plus dure que celle contre l'appel inadéquat à la Constitution du lieutenant-général Mena [limogé la semaine dernière, ce haut gradé, se référant explicitement à la Catalogne, avait cité l'article 8 de la Constitution, qui fait de l'armée la garante de "l'intégrité territoriale"]. Mais plutôt de prendre la tangente en déclarant qu'il "ne faut pas revenir à l'Espagne des rois catholiques", ce que personne ne demande, le ministre de la Défense doit assumer que les paroles de l'un et de l'autre sont le symptôme d'un inquiétude généralisée au sein de l'armée

Comme il y a 25 ans, le problème basque continue à occuper les premières pages. Le leader de Batasuna [parti interdit, considéré par la Justice comme une extension politique du terrorisme séparatiste de l'ETA] affirme qu'il célébrera son congrès malgré l'interdiction [du tribunal] de l'Audience nationale, tandis que le président du PNV [Parti nationaliste basque; il domine le gouvernement régional] disqualifie les juges, accueille [Arnaldo] Otegi [leader de Batasuna] en son siège et affirme qu'il est disposé à se réunir avec lui en France s'il le faut.

Et la radicalisation linguistique en Catalogne devient aussi à nouveau un grand problème, comme elle le fut il y a 25 ans. Le premier conseiller de la Généralité [Premier ministre du gouvernement régional], Josep Bargalló, en vint hier à taxer ce journal de "franquiste" pour sa défense du droit à utiliser en Catalogne les deux langues [l'espagnol et le catalan], tandis qu'il se lamentait de ne pas pouvoir voir les films doublés en catalan. L'inexistence de cette option dépend des producteurs d'Hollywood, mais qu'on ne puisse pas éduquer un enfant en espagnol en Catalogne dépend de lui.

Dans ce voyage dans le tunnel du temps s'inscrit l'affolante décision du maire de Salamanque de ne pas permettre la charge des camions pour emporter les papiers des Archives [de la guerre civile relatifs à la Catalogne], comme l'autorise pourtant une loi approuvée par le Congrès [des députés]. La loi nous paraît arbitraire, car ce n'est que Salamanque seule qu'on prive de quelque chose au profit de la seule Catalogne, mais c'est devant les tribunaux qu'il faut livrer cette bataille.

Chacun de ces phénomènes a son explication et sa logique, mais ce qui inquiète est leur simultanéité. Pourquoi surgissent-ils tous maintenant et non il y 5 ou 15 ans?

Nous avons déjà donné la réponse: Gonzalez et Aznar respectèrent le consensus de la Transition et ne remirent jamais en question les règles du jeu. Zapatero veut les changer sans pactiser avec l'opposition et contre une partie de son propre parti qui se tait servilement et docilement, dans un mélange insensé d'irresponsabilité, d'aventurisme et d'expérimentalisme.

Dans son jeu d'apprenti sorcier, Zapatero conduit le pays vers une impasse. Il ne va pas résoudre le problème catalan, mais il va ressusciter le malaise militaire. Il ne va pas obtenir la paix au Pays basque, mais il va mettre aux enchères la légalité, sans contenter les nationalistes et en indignant de nombreux citoyens qui ne le sont pas. [Le président du Parti populaire, Mariano] Rajoy affirmait il y a peu que le problème, c'est Zapatero. Il nous plairait que le temps ne lui donne pas raison.

[Fin de l'éditorial d'El Mundo]

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