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16,5 milliards d'euros de coupes budgétaires, sans hausse d'impôts
Espagne - Potion anti-crise de Rajoy: pas seulement l'austérité ?
 

   

 
MADRID, mardi 20 décembre 2011 (LatinReporters.com) - Potion magique contre la crise? Difficile d'y croire. Il n'empêche qu'en Espagne, le grand druide de la droite, le Galicien Mariano Rajoy, vient de concocter un breuvage aigre-doux, mélangeant dans le chaudron 2012 des avantages fiscaux pour épargnants et chefs d'entreprise, une revalorisation des pensions de retraite et 16,5 milliards d'euros de coupes budgétaires. Le tout sans hausse d'impôts!?

A la tribune du Congrès des députés, le 19 décembre 2011 à Madrid, Mariano Rajoy prononce son discours d'investiture à la présidence du gouvernement espagnol. (Photo Partido Popular / www.pp.es)

Bourreau des socialistes aux législatives de novembre, don Mariano a proposé sa potion du haut de la tribune du Congrès des députés, le 19 décembre à Madrid, dans son discours d'investiture à la présidence du gouvernement espagnol. La majorité absolue de son Parti Populaire (PP), 186 élus sur 350, ne laissait aucun doute sur l'issue des débats. L'illustre Galicien prêtera serment mercredi devant le roi Juan Carlos et présidera vendredi son premier conseil des ministres. Très peu regretté, le socialiste Zapatero ne sera plus là lorsque Papa Noël descendra dans la cheminée du palais gouvernemental de La Moncloa.

5,4 millions de chômeurs

Contrairement à la walkyrie Angela Merkel, à laquelle il fait néanmoins allégeance, Mariano Rajoy semble redouter que l'austérité seule, sans mesures de relance, ne conduise à la dépression. Ses deux objectifs essentiels cités devant les députés sont le développement du binôme croissance-emploi et "assurer la place de l'Espagne dans le monde qui surgira de cette crise", Madrid devant dès maintenant devenir "un élément de la solution au problème de la zone euro".

Trois priorités pour servir ces objectifs : stabilité budgétaire, consolidation du secteur bancaire et réformes structurelles touchant notamment l'administration publique et le marché du travail.

L'économie espagnole va vraisemblablement se contracter au quatrième trimestre au vu des données statistiques disponibles, a souligné Mariano Rajoy dans son discours d'investiture, alors que la demande intérieure de l'Espagne vacille, la croissance de ses exportations ralentit et son taux de chômage demeure le plus élevé des pays industrialisés. "Le nombre de personnes qui dans notre pays cherchent un emploi sans le trouver avoisine déjà les 5,4 millions", soit un taux proche de 23%, a dit M. Rajoy en se référant aux dernières évaluations espagnoles et de l'Union européenne. Il a qualifié la situation de "dramatique".

Si l'Espagne parvient à atteindre son objectif de déficit budgétaire de 6 % du produit intérieur brut (PIB) cette année - ce que la plupart des économistes jugent peu probable -, le Trésor devra trouver 16,5 milliards d'euros d'économies en 2012 pour remplir son objectif, a précisé Mariano Rajoy, peu concret néanmoins sur la ventilation des sacrifices. Il a affirmé qu'il gèlerait l'embauche dans le secteur public, à l'exception des forces de sécurité et de services essentiels. Des mesures d'assainissement budgétaire détaillées seraient présentées le 30 décembre.

Mais le successeur de José Luis Rodriguez Zapatero a également annoncé des mesures fiscales immédiates en faveur des entreprises pour stimuler l'emploi et la demande. Les petites sociétés réalisant leur première embauche bénéficieront notamment d'une incitation fiscale de 3.000 euros, tandis que les sociétés réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 5 millions d'euros se verront placées dans une tranche fiscale plus avantageuse. Les pensions de retraite, que les socialistes avaient gelées, seront revalorisées en fonction de l'inflation dès le 1er janvier. Huit millions et demi de retraités en bénéficieront. En outre, les dégrèvements fiscaux associés aux prêts hypothécaires, supprimés par le gouvernement sortant, seront rétablis pour l'achat de la demeure principale.

Mariano Rajoy au Congrès des députés lors de la séance de son investiture à la présidence du gouvernement, le 19 décembre 2011 à Madrid. (Photo Partido Popular / www.pp.es)

Rigueur accrue après les élections andalouses?

La gauche et de nombreux analystes soupçonnent Mariano Rajoy de vouloir différer les véritables sacrifices au lendemain des élections andalouses de mars 2012. Région la plus peuplée d'Espagne, l'Andalousie est la dernière place forte des socialistes. Les sondages, ainsi que les résultats des récentes élections municipales et législatives, prédisent que son Parlement régional tombera à son tour et pour la première fois dans le camp de la droite. Le Parti Populaire préférerait donc peut-être doser l'austérité au cours des trois prochains mois afin de ne pas effaroucher les huit millions d'Andalous.

Pareil jeu ne serait pas sans risque, car les détails du programme gouvernemental de Mariano Rajoy étaient et restent très attendus par les marchés, alors que l'Espagne a connu ces derniers mois plusieurs épisodes de turbulences face aux investisseurs, en pleine crise de la dette en zone euro. Fitch Ratings a annoncé vendredi placer sous surveillance négative les notes de six pays de la zone euro, dont l'Espagne, attribuant par ailleurs une perspective négative au "triple A" de la France.

Malgré le spectre d'une baisse de la note espagnole, les mesures d'austérité annoncées par M. Rajoy semblent rassurer les investisseurs. Le coût que doit supporter Madrid pour se financer était ainsi en recul lundi après-midi, l'écart de rendement des obligations espagnoles à 10 ans par rapport à leur équivalent allemand se réduisant d'environ 4 points de base (pdb) à 331 pdb. Le "spread" Italie-Allemagne ressort, lui, à 491 pdb.

Au-delà des problèmes de l'Espagne, qui contribuent au scepticisme des marchés financiers internationaux, c'est la survie même de l'euro qui semble incertaine à terme. L'Union européenne a promis lundi d'apporter plus de 150 milliards d'euros au Fonds monétaire international (FMI) et a appelé le reste du monde, y compris les pays émergents, à suivre l'exemple afin que l'institution puisse à son tour aider la zone euro à renforcer son pare-feu contre la crise de la dette.

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