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"Nous serons à Bagdad fin mars" (avec ou sans l'ONU)
Irak - Bush à Aznar en 2003 : "Chirac se prend pour Mister Arabe" / Pressions sur divers pays

MADRID, jeudi 27 septembre 2007 (LatinReporters) - Contrairement à José Maria Aznar, Jacques Chirac n'a jamais été l'amigo de George W. Bush, qui lui reproche de jouer au "Mister Arabe". Le 22 février 2003, devisant sur l'invasion de l'Irak qui allait se concrétiser moins d'un mois plus tard, l'Espagnol et l'Américain mettaient parmi d'autres le président français au menu de leurs conversations au ranch texan de Crawford. Le président Bush suggérait des pressions sur divers pays, en particulier sur le Chili, pour obtenir leur appui au Conseil de sécurité de l'ONU.

Le président des Etats-Unis, George W. Bush (à droite), reçoit dans son ranch texan de Crawford, le 22 février 2003, José Maria Aznar, alors président du gouvernement espagnol. - White House photo - Eric Draper

L'acte-résumé de ces entretiens établi par Javier Rupérez, alors ambassadeur d'Espagne à Washington, est publié en exclusivité dans le quotidien madrilène El Pais du 26 septembre 2007. Le président des Etats-Unis y prévient M. Aznar, à l'époque président du gouvernement espagnol, qu'il entrera à Bagdad en mars (2003), avec ou sans résolution de l'ONU. Aujourd'hui, à la lueur du désastre irakien, les propos des deux hommes feront rire ou pleurer, quoique juger le passé avec les données du présent comporte souvent un risque de fraude intellectuelle.

Ce n'est peut-être pas un hasard que cette publication se produise à moins de six mois des législatives de mars 2008 dans une Espagne déjà en précampagne électorale. Supprimé en avril 2004 par le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, l'appui militaire espagnol à l'occupation de l'Irak décidé par José Maria Aznar n'a jamais été populaire, n'en déplaise à son... Parti Populaire, le PP qui représente à lui seul toute la droite parlementaire.

Rappeler aujourd'hui et sans doute demain et plus tard encore jusqu'aux élections la mésaventure irakienne liée à de tragiques représailles (les attentats islamistes de Madrid du 11 mars 2004; 191 morts et 1.824 blessés) favoriserait en principe une nouvelle victoire de M. Zapatero face à son challenger Mariano Rajoy, l'actuel président du PP. Le groupe de presse Prisa dont El Pais est le navire amiral connaît la musique. Depuis plus d'une génération, il sert le socialisme espagnol qui le lui rend bien.

Interviewé par Tele Cinco, le député Jorge Moragas, secrétaire aux Relations internationales du PP, a accusé le gouvernement Zapatero d'avoir mis entre les mains d'El Pais un document que le journal dit "demeuré secret jusqu'à ce jour" et dont la publication ne servirait pas, que du contraire, la pleine normalisation des relations entre l'Espagne et les Etats-Unis.

L'authenticité du document n'a été contestée ni à Madrid ni à Washington.

Extraits choisis de l'acte des entretiens Bush-Aznar du 22 février 2003 publié par El Pais:
(Texte intégral de l'acte en espagnol)

Président Bush - Saddam Hussein ne changera pas et continuera à jouer. Le moment est venu de se défaire de lui. C'est ainsi. Pour ma part, je ferai en sorte d'utiliser à partir de maintenant une rhétorique la plus subtile possible alors que nous cherchons l'approbation de la résolution [par laquelle le Conseil de sécurité des Nations unies couvrirait l'intervention militaire en Irak]... Dans deux semaines nous serons prêts militairement... Nous serons à Bagdad fin mars [2003]...

Président Aznar - Mercredi prochain [26 février 2003] je vois Chirac. La résolution aura déjà commencé à circuler.

P.B. - Cela me paraît très bien. Chirac connaît parfaitement la réalité. Ses services de renseignement la lui ont expliquée. Les Arabes transmettent à Chirac un message très clair: Saddam Hussein doit s'en aller. Le problème est que Chirac se prend pour Mister Arabe et en réalité il leur rend la vie impossible. Mais je ne veux aucune rivalité avec Chirac. Nous avons des points de vue différents, mais je voudrais que ce ne soit que cela. Remets-lui mon meilleur souvenir. Réellement! Moins percevra-t-il de rivalité entre nous, mieux sera-ce pour tous...

... Des pays comme le Mexique, le Chili, l'Angola et le Cameroun [à l'époque membres du Conseil de sécurité de l'ONU] doivent savoir que ce qui est en jeu est la sécurité des Etats-Unis et [ils doivent] agir avec un sens de l'amitié à notre égard. [Le président chilien Ricardo] Lagos doit savoir que l'Accord de libre commerce avec le Chili attend la confirmation du Sénat et qu'une attitude négative pourrait mettre en danger cette ratification. L'Angola reçoit des fonds du Millenium Account et ils pourraient aussi être compromis s'ils ne se montrent pas positifs. Et Poutine doit savoir que son attitude met en péril les relations de la Russie avec les Etats-Unis...
[LatinReporters, NDLR - Aucun des pays, autres que les Etats-Unis, cités dans ce paragraphe n'a adopté au Conseil de sécurité la position souhaitée par le président Bush. L'accord de libre-échange avec le Chili, appelé Traité de libre commerce, a néanmoins été ratifié à Washington et est actuellement en vigueur.]

P.A. - Est-il vrai qu'il existe une possibilité que Saddam Hussein s'exile?

P.B. - Oui, cette possibilité existe. Y compris celle qu'il soit assassiné.

P.A. - Un exil avec garantie?

P.B. - Aucune garantie. C'est un voleur, un terroriste, un criminel de guerre. Comparé à Saddam, Milosevitch serait la Mère Teresa. Quand nous entrerons [en Irak] nous découvrirons beaucoup plus de crimes et nous l'emmènerons au Tribunal international de justice de La Haye. Saddam Hussein croit qu'il s'est déjà tiré d'affaire. Il croit que la France et l'Allemagne ont interrompu l'établissement de ses responsabilités. Il croit aussi que le protègent les manifestations de la semaine passée [samedi 15 février 2003 dans plusieurs pays, contre une guerre paraissant imminente]...

P.A. - En réalité, le plus grand succès serait de gagner la partie sans tirer un seul coup en entrant dans Bagdad.

P.B. - Pour moi, ce serait la solution parfaite. Je ne veux pas la guerre. Je sais ce que sont les guerres. Je sais ce que sont la destruction et la mort qu'elles entraînent. Je suis celui qui doit consoler les mères et les veuves des morts. Evidemment, pour nous ce serait la meilleure solution. En outre, cela nous économiserait 50 milliards de dollars...

P.A. - Nous avons besoin de votre aide face à notre opinion publique.

P.B. - Nous ferons tout ce que nous pourrons. Je vais parler mercredi de la situation au Moyen-Orient, proposant un nouveau schéma de paix que tu connais, ainsi que des armes de destruction massive, des bénéfices d'une société libre, et je situerai l'Irak dans un contexte plus ample. Cela vous servira peut-être.

P.A. - Nous sommes en train d'opérer un changement très profond pour l'Espagne et les Espagnols. Nous modifions la politique que le pays a suivie au cours des 200 dernières années.

P.B. - Un sens historique de la responsabilité me guide tout comme toi. Lorsque dans quelques années l'Histoire nous jugera, je ne voudrais pas que les gens se demandent pourquoi Bush ou Aznar ou Blair n'ont pas fait face à leurs responsabilités. Finalement, ce que veulent les gens c'est jouir de la liberté...

P.A. - La seule chose qui me préoccupe chez toi c'est ton optimisme.

P.B. - Je suis optimiste parce que je suis dans le bon. Je suis en paix avec moi-même. Il nous a correspondu de faire face à une sérieuse menace contre la paix. Cela m'irrite énormément de contempler l'insensibilité des Européens à l'égard des souffrances que Saddam Hussein inflige aux Irakiens. Peut-être parce qu'il est basané, lointain et musulman beaucoup d'Européens pensent-ils qu'avec lui tout est bien. Je n'oublierai pas ce que m'a dit un jour [le chef de la diplomatie européenne Javier] Solana: pourquoi les Américains pensons-nous que les Européens sont antisémites et incapables de faire face à leurs responsabilités? Cette attitude défensive est terrible. Je dois reconnaître qu'avec Kofi Annan [alors secrétaire général des Nations unies] j'ai des relations magnifiques.

P.A. - Je partage tes préoccupations éthiques.

P.B. - Au plus les Européens m'attaquent, au plus je me renforce aux Etats-Unis.

P.A. - Nous devrions rendre compatible ta force avec l'estime des Européens.

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